À la barre, crâne dégarni sur une bouille ronde à moustache, accent rocailleux du Sud-Ouest avec les rrrrrr
roulant comme des pétarades, Jean-François Maugard, 58 ans, s’exprime dans le langage fleuri typique des vieux poulets. Le 8 mars dernier, il est venu témoigner au procès des bandits de Creil, accusés d’un projet d’attaque de fourgon et d’une fusillade qui a coûté la vie à une policière municipale, Aurélie Fouquet. Les condamnations sont tombées dans la nuit de mercredi à jeudi.
Ce chef de groupe « vols à main armée » à la brigade de répression du banditisme, la BRB, a présenté à la cour d’assises de Paris ses trois années d’enquête en liaison étroite avec la brigade criminelle
chargée des scènes de tirs : Nous, BRB, on a fait le cheminement des auteurs avant et après.
À ses yeux, le cerveau de l’équipe se nomme Redoine Faïd, 43 ans, LE bandit de Creil
insiste-t-il, ayant recruté dans son quartier et en prison : On l’appelait “le Doc”
, comme Steve McQueen dans le film Guet-apens.

En tenue du dimanche pour sa déposition, costume noir et souliers cirés, le commandant Maugard raconte à l’audience l’alerte donnée en fin de matinée le 20 mai 2010. En route pour le repas annuel de la brigade avant l’été, une tradition à la BRB (tout comme la fête du printemps, appelée « Le retour des hirondelles »), le chef « VMA » reçoit un coup de fil de son patron : une policière municipale, Aurélie Fouquet, a été tuée à Villiers-sur-Marne par un commando ayant échappé à un contrôle à bord d’un Renault Master blanc. Adieu banquet, ripailles et anisettes, il rapplique au service avec ses gars.
On ne sait pas exactement ce qui se passe, les informations arrivent de manière hirsute.
Il tente de se renseigner mais ne parvient pas à joindre la brigade criminelle, engagée sur plusieurs sites sur l’autoroute, car il y a eu des agressions de véhicules, carjacking, prises d’otages d’automobilistes
, relate-t-il, une main accrochée à la barre, l’autre agitée. On ne sait pas exactement ce qui se passe, les informations arrivent de manière hirsute.
Il finit par apprendre le numéro d’immatriculation du Renault Master impliqué dans la fusillade, et ça fait tilt dans son esprit. Cette plaque correspond à l’une des trois fourgonnettes volées et repérées deux nuits plus tôt dans le bois de Vincennes : Ce type de véhicule est souvent utilisé en matière de banditisme ou de trafic de stups pour des go-fast
, explique aux jurés l’officier de la PJ parisienne. Il avait voulu les pastiller mais le service technique, en rupture de stock, ne lui avait fourni qu’une seule balise GPS.