Victor, les traits tirés, est un peu plus hirsute que d’habitude, et plus pâle aussi. Interpellé lundi lors de l’intervention des CRS à la fac de Nanterre, il a été relâché après 24 heures de garde à vue. Il regarde autour de lui, dans cette salle E01 située au rez-de-chaussée, où les étudiants réunis en assemblée générale (AG) ont été encerclés puis délogés par les forces de l’ordre. « Il y a beaucoup à faire », me dit ce militant à l’Unef et au NPA, portable à la main. Désormais, il y a ici une occupation légale, tolérée par l’administration. Des étudiants espèrent y faire le « QG de la lutte ». Le directeur de cabinet du président de la fac fait irruption ; Victor l’apostrophe, un peu tendu : « Ah, c’est mieux quand il n’y a pas de CRS, hein ? » Baptiste Bondu fait le tour des lieux, parle « sécurité » et « confinement » en cas d’intrusion, par exemple, de militants d’extrême droite. La discussion ne dure pas bien longtemps.
La colère suscitée par l’intervention des CRS cette semaine sur le campus a ragaillardi un mouvement à la peine (lire l’épisode 25, « À Nanterre, un assaut et la sauce prend »). Les AG qui ont suivi ont fait le plein, on n’avait pas vu cela depuis longtemps. Lors de la première, mardi, 650 personnes (étudiants et personnels de la fac) ont voté la grève, en demandant la démission de Jean-François Balaudé, le président de l’université.