Elle s’approche du micro, lève les yeux sur la foule et souffle : « C’est impressionnant. » Devant elle, un amphi bondé de 650 personnes avec même des gens debout, au fond de la salle. Bien longtemps que cela n’était pas arrivé à Nanterre (lire l’épisode 23, « Debout, les damnés de Nanterre ! »). Cette militante a pourtant l’habitude de prendre la parole en assemblée générale, mais le public est d’ordinaire nettement plus clairsemé. La veille, les CRS, appelés par le président de la fac Jean-François Balaudé, ont délogé une centaine d’étudiants d’une salle, en pleine AG, et interpellé sept d’entre eux à la fac de Nanterre, dont Victor Mendez, l’un des personnages que suivent Les Jours depuis la rentrée (lire l’épisode 24, « La révolte bourgeonne à Nanterre »). L’intervention a boosté la mobilisation qui ne « décollait pas de ouf », selon l’aveu des étudiants en lutte sur leur compte Twitter, @NTR_VNR.

La répression a, de fait, revigoré les militants qui depuis des mois peinent à convaincre leurs condisciples contre la loi « ORE » (orientation et réussite des étudiants), par ailleurs déjà votée. Dans l’amphi plein comme un œuf, je les vois balayer l’assistance, l’œil luisant, et s’emplir du nombre. Voilà un bon carburant. « Il ne faut pas laisser retomber l’adrénaline », conseille un intervenant. « Balaudé a fait une grosse erreur, il faut en profiter », clame un autre, à la tribune.
Parmi les 650 dans l’amphi mis à disposition par la présidence de la fac, Maeva. En première année de psycho, elle n’était pas à la fac hier, mais elle a suivi les scènes de violence sur des vidéos postées toute la journée sur les réseaux sociaux. Elle est « sous le choc ». Ce matin, elle venait suivre un tutorat, pour l’aider à réviser ses partiels. Elle a obtenu un bac technologique, et pense qu’avec Parcoursup, la nouvelle plateforme pour accéder à la fac, elle n’aurait pas eu de place dans la filière de son choix où elle s’accroche pour réussir malgré un boulot à temps partiel. Son cours n’a pas pu avoir lieu. Finalement, elle a suivi le flot d’étudiants qui se rendaient à l’AG. Pour défendre « le droit à la parole ».
Devant le bâtiment, deux jeunes filles mobilisées hésitent à entrer. Elles se sont retrouvées hier complètement coincées, encerclées par les CRS puis évacuées. Je leur demande comment ça va. « Paniquée », me glisse l’une d’elles. Un peu plus tard, elles seront dans l’assistance et prendront même la parole.