L’onde de choc du meurtre de Samuel Paty bouscule profondément l’action gouvernementale. Le projet de loi séparatisme, grand chantier de cette fin d’année (lire l’épisode précédent), qui vise explicitement la lutte contre l’islam radical, est enrichi jour après jour depuis l’assassinat du professeur d’histoire-géographie – le gouvernement doit présenter une première version au Conseil d’État avant le 30 octobre s’il veut pouvoir tenir la date de présentation du texte en conseil des ministres fixée au 9 décembre. À l’issue d’un conseil de défense, vendredi 23 octobre, le Premier ministre a annoncé deux nouvelles dispositions, qui seront intégrées au texte : la pénalisation des « pressions sur les fonctionnaires », notamment « par des propos ou des comportements, comme cela s’est produit à Conflans-Sainte-Honorine à l’encontre de M. Paty et de la proviseure du collège ». Ainsi que «la possibilité de sanctionner ceux qui mettent en ligne des informations personnelles mettant en danger la vie d’autrui, comme par exemple un professeur ». À cet effet, Jean Castex a aussi annoncé le renforcement des effectifs de la plateforme Pharos, qui permet de signaler des contenus suspects ou illicites sur le web et les réseaux sociaux, et la création d’un pôle spécifique au parquet de Paris pour accroître l’efficacité de « la lutte contre la haine en ligne ». Autre conséquence de l’attentat, les polémiques sur la laïcité ont été fortement ravivées par des réseaux proches du pouvoir défendant une conception plus restrictive de la loi de 1905. Ses principaux représentants se sont largement exprimés par réseaux sociaux interposés dans les jours suivants l’attentat, et œuvrent aussi au sein des cabinets ministériels.
L’Observatoire de la laïcité leur a servi de cible principale. Créée par décret en 2007 sous Jacques Chirac et relancé en 2013 par François Hollande, qui l’installa à l’Élysée, l’instance – qui dépend de Matignon – est chargée de conseiller le gouvernement sur le respect et la promotion du principe de laïcité. Un article du magazine Le Point, paru le lundi 19 octobre, moins de trois jours après le meurtre de Samuel Paty, a allumé l’étincelle. Il annonçait le départ imminent du rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène, avec pour seule source l’« entourage » de la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa.