La nouveauté est une recette marketing éculée. Ce qui est neuf est désirable. Nouveaux produits, nouvelles formules se déclinent à l’infini dans les rayons des magasins. L’histoire de Merck et de sa nouvelle formule du Levothyrox, c’est un peu tout l’inverse. Il y a un an, en mars 2017, le laboratoire allemand lançait sur le marché français une nouvelle formule d’un de ses produits phares prescrit aux malades de la thyroïde, le Levothyrox. Mais, à l’époque, elle passe complètement inaperçue. Depuis, des dizaines de milliers de patients ressentent des effets secondaires plus ou moins graves – et, comme nous l’avons raconté dans l’épisode précédent (lire l’épisode 11, « Levothyrox : les malades montent en groupe à l’assaut du labo »), ils sont aujourd’hui nombreux à demander réparation devant la justice. Mais il leur a souvent fallu du temps pour faire le lien avec le médicament qu’ils prennent tous quotidiennement afin de soigner leur thyroïde.
« Beaucoup de malades ont commencé à réaliser ce qui leur arrivait lorsqu’une pétition a été lancée en juin 2017 sur le net », explique Chantal L’Hoir, présidente de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT). La plupart n’étaient pas au courant du changement de formule. Et leurs médecins traitants, pas plus qu’eux. « Le système d’information sur ce produit a été inopérant. Les médecins ont reçu une lettre par courrier ou sur leur boîte mail, au milieu de centaines d’autres. Beaucoup ont continué à le prescrire comme si rien n’avait changé. Résultat, le rapprochement avec certains symptômes a parfois tardé », explique le docteur Jacques Guillet, biologiste et médecin nucléaire qui travaille avec l’AFMT. Ce document d’information a été envoyé par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), chargée notamment de l’information sur les médicaments. Dans une première version, mise en ligne sur le site de l’agence début mars 2017, on pouvait y lire : « Il n’est pas attendu d’effet indésirable lié à la modification de formule pour le patient. » Dans une nouvelle version, modifiée quelques mois plus tard, cette phrase a un peu changé : « Dans la grande majorité des cas, il n’est pas attendu d’effet indésirable lié à la modification de formule pour le patient. » À l’époque, des milliers de signalements ont déjà été effectués auprès des centres de pharmacovigilance régionaux.

Mais la mission d’information n’incombe pas seulement à l’agence du médicament.