Deux villes, deux annulations. À un mois et demi d’intervalle, l’encadrement des loyers a subi deux désaveux par la voie judiciaire : le 17 octobre, le tribunal administratif de Lille a annulé le décret permettant d’appliquer la mesure, imité par son homologue parisien le 28 novembre, où le dispositif était en vigueur depuis août 2015. Une victoire pour les lobbies défendant les intérêts des investisseurs et des agents immobiliers qui, de la fabrication de la loi Alur (pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) jusqu’à sa mise en œuvre à partir de 2014, ont combattu la mesure sans relâche. L’intense bataille autour de ce texte est un modèle du genre en matière de méthodes de lobbying. L’histoire de cette campagne contre la régulation des loyers, mesure évidemment populaire, vaut bien deux épisodes. Regardons d’abord du côté des propriétaires et des lobbies qui les défendent, à coups d’études à leur main et de chiffres parfois biaisés.
À l’époque, même si elle doit instaurer cette promesse de campagne de François Hollande, la ministre du Logement, Cécile Duflot, tient à dialoguer avec tous les « représentants d’intérêts ». Mais trois ans et demi après l’adoption définitive du texte, elle confie aux Jours que « le combat fut violent » : « Avec le recul, je ne me confronterais sans doute pas à autant de lobbies en même temps. »

À l’origine des deux recours en justice, on trouve l’UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), un des acteurs les plus véhéments contre la réforme. « C’est avec l’UNPI que la discussion a été la plus conflictuelle », se souvient Cécile Duflot. Son dirigeant, Jean Perrin, a multiplié les critiques catégoriques à l’égard de l’encadrement, accusé d’accroître potentiellement la crise du logement et de conduire à une détérioration du parc locatif : « Les bailleurs ne feront plus de travaux car ils ne pourront plus les amortir sur leurs loyers », déclare-t-il notamment, dès juin 2012, dans une interview sur le site de la fondation Ifrap, think tank très libéral. Autre argument rabâché : l’encadrement va faire fuir les investisseurs.
L’UNPI défend des positions poujadistes. Ils veulent toujours payer moins d’impôts.
Ces attaques en règle sont aujourd’hui vues d’un mauvais œil jusque dans les rangs des professionnels du secteur. « À force de crier au loup, l’UNPI a contribué à décourager les investisseurs », estime ainsi Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du management des services immobiliers, qui dirigea aussi le groupe Foncia.