La question a longtemps été mal posée : on s’est demandé « où va le plastique et comment s’en débarrasser ? », alors qu’il aurait fallu se demander « d’où vient-il et comment ne pas le produire ? ». Bien sûr, le consommateur a sa part de responsabilité dans la pollution plastique, comme en attestent les 10 milliards de mégots jetés quotidiennement avec autant de méthode que de désinvolture dans les mers, les parcs et les caniveaux. Se dédouaner sur les citoyens indélicats est certainement un moyen d’action efficace, mais l’industrie a un peu trop vite fait d’oublier sa propre culpabilité. Afin de faire pression sur les multinationales, le collectif Break Free From Plastic (BFFP) organise depuis deux ans des campagnes de ramassage sur les plages du monde entier, afin de recenser les entreprises à l’origine des déchets plastiques. Ces retentissants « audits de marque » ont fait apparaître Coca-Cola comme le « premier pollueur de la planète », devant Nestlé, Pepsico, Unilever et Procter & Gamble. Le genre de publicité dont toute multinationale se passerait bien. Et qui pourrait bien les faire réagir.
La plupart de ces déchets sauvages sont des emballages, un secteur qui accapare plus d’un tiers de la production mondiale de plastique, devant la construction (16 %), le textile (15 %), les produits de grande consommation (10 %), les transports (7 %) et l’électronique (4 %). Absent des épiceries avant-guerre, il est devenu depuis la star incontournable des supermarchés et du commerce de masse. La chercheuse australienne Gay Hawkins, spécialiste de sociologie de l’environnement, des matériaux et des marchés, l’appelle « la peau du commerce ».
Or, qui pourrait vivre sans sa peau ? Pas l’industrie en tout cas, qui défend bec et ongles son bout de plastique (lire l’épisode 1, « Plastique, la matière forte »), un matériau dont elle vante régulièrement les qualités hygiéniques, comme durant l’épidémie de Covid-19, où elle a soutenu que le plastique était un gage de sécurité sanitaire, alors que plusieurs études scientifiques ont démontré que c’était l’un des matériaux sur lequel le virus Sars-CoV-2 résistait le plus longtemps (lire l’épisode 10 de la série Le jour d’après).