Depuis quelques mois, le professeur Philippe Lechat ne doit pas dormir tranquille. En février dernier, Les Jours révélaient que l’ancien directeur de l’évaluation du médicament de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) qui a commandé la nouvelle formule du Levothyrox à Merck… avait auparavant travaillé pour ce même laboratoire. Un conflit d’intérêts particulièrement gênant alors que la nouvelle formule du médicament est responsable d’un record de déclarations d’effets secondaires – officiellement 23 000 – depuis sa mise en circulation, en mars 2017 (lire l’épisode 1, « Levothyrox, la crise sanitaire qui ne dit pas son nom ») : chutes de cheveux, crampes musculaires, grande fatigue, idées noires… Philippe Lechat est maintenant visé par une plainte contre X, pour « trafic d’influence », que Gauthier Lefèvre, avocat au barreau de Reims, s’apprête à déposer au tribunal de grande instance de Marseille, où une instruction judiciaire a été ouverte à la suite de nos révélations. Cette plainte s’appuie sur l’enquête des Jours et ajoute un élément supplémentaire.

Lorsque nous avions dénoncé le conflit d’intérêts de Philippe Lechat, l’ANSM l’avait démenti vigoureusement. Le droit de réponse que ses représentants nous avaient envoyé (lire l’épisode 3, « Levothyrox : pressions sur l’investigation des “Jours” ») prétextait que Philippe Lechat avait, à l’époque, travaillé pour Merck sur un autre type de médicament (une nouvelle génération de bêtabloquants), ce qui n’atténue pas le conflit d’intérêts. Autre argument : sa collaboration avec Merck s’était arrêtée en 2004 (selon sa déclaration d’intérêts) et la nouvelle formule n’a été commandée par l’ANSM via Philippe Lechat qu’au début de l’année 2012. Un délai de cinq ans – c’est la durée généralement admise – a été respecté entre ses intérêts chez Merck et sa décision pour le compte de l’ANSM. Mais un document interne à l’agence – alors appelée Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé –, à consulter ici, prouve que Philippe Lechat a travaillé à l’ANSM sur le Levothyrox dès… 2008. Cette année-là, le 14 février précisément, la commission d’autorisation de mise sur le marché de l’agence planche sur plusieurs médicaments, dont le Levothyrox. Philippe Lechat y assiste comme représentant du directeur général de l’agence, comme le précise le compte rendu.