Comment un médicament responsable du record de déclarations d’effets secondaires jamais enregistré en France peut-il toujours être en circulation ? La question hante les victimes de la nouvelle formule du Levothyrox, arrivée il y a un peu plus d’un an sur le marché hexagonal. Chez Merck, le laboratoire qui produit ce médicament pour les malades de la thyroïde, c’est business as usual. Sa stratégie n’a pas bougé. En dépit des 30 000 patients ayant signalé officiellement des effets indésirables – chiffre sous-estimé, car tous ne l’ont pas fait –, l’entreprise a maintenu ses objectifs industriels coûte que coûte : l’ancienne formule ne sera plus disponible en France à la fin de l’année. Fin juillet, Merck a annoncé qu’il lancerait la nouvelle formule dans 21 pays de l’Union européenne à partir de 2019, après un avis favorable de l’agence du médicament allemande. « Introduire le médicament dans 21 pays sans avoir compris pourquoi autant de patients ont été tellement malades en France, c’est totalement inacceptable ! », selon Beate Bartès, présidente de l’association Vivre sans thyroïde (VST). Depuis la vague d’effets secondaires, beaucoup de malades français se fournissent en ancienne formule (Euthyrox) en Espagne, Italie, Belgique, Allemagne… et s’inquiètent donc de ne plus pouvoir renouveler leurs stocks dès l’année prochaine.
Les victimes sont nombreuses à se porter en justice pour tenter d’enrayer ce plan implacable. Certaines procédures visent à obtenir une indemnisation, d’autres demandent le retour de l’ancienne formule en France. « Nous voulons contraindre Merck à plus de transparence sur les conditions de fabrication de la nouvelle formule, en l’obligeant à fournir des documents », explique aussi Beate Bartès, qui travaille avec l’avocat Christophe Lèguevaques. Un référé a été lancé en ce sens en début d’année devant le tribunal de grande instance de Paris, qui s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire à Lyon, où se trouve le siège de Merck.

À Lyon toujours, une action collective pour préjudice moral a aussi été lancée, qui réunit aujourd’hui 4 115 plaignants. Elles sera plaidée par l’avocat le 3 décembre prochain. « Initialement, l’audience devait avoir lieu en octobre. Le temps joue contre nous », regrette Beate Bartès, qui voudrait pouvoir mettre le laboratoire sous pression. Début juillet, dans une autre action devant le tribunal administratif de Paris, le juge a débouté les plaignants.