Enfin des réponses, après des mois d’incompréhension. Des dizaines de milliers de malades de la thyroïde ayant souffert de la nouvelle formule du Levothyrox commencent à y voir plus clair. Non, ils n’avaient pas fantasmé les effets secondaires ressentis, influencés par la couverture médiatique consacrée à la crise – cette thèse de l’« effet nocebo » qui fut défendue par d’éminents professeurs d’endocrinologie apparaît aujourd’hui plus que jamais indigente. De nouveaux travaux scientifiques dévoilés ce jeudi par Le Monde démontrent les lacunes des contrôles effectués par le laboratoire Merck avant le lancement de la nouvelle formule du Levothyrox, en mars 2017. Selon une étude menée notamment par un biostatisticien toulousain, Didier Concordet, et le pharmacologue Pierre-Louis Toutain, et publiée dans la revue Clinical Pharmacokinetics, ancienne et nouvelle formule ne sont pas substituables. Au contraire du discours du laboratoire, repris par l’Agence du médicament (ANSM), qui prétend depuis le début qu’elles produisent des effets similaires.
Ces nouveaux travaux ont porté sur l’étude de bioéquivalence réalisée par Merck avant le lancement de la nouvelle formule, la seule obligation légale incombant au laboratoire. Ils montrent que, pour plus de la moitié des 204 volontaires sains de l’étude, les réactions individuelles varient d’une formule à l’autre. Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont ressaisi, à la main, les données brutes de l’étude de Merck, que le laboratoire n’avait fournies que sous forme d’images. Ils ont pu ainsi démontrer que la moyenne des résultats masquait des situations particulières très différentes. Et que la bioéquivalence dont se réclame Merck depuis le début de la crise pour la minimise, est en fait le produit d’une illusion statistique. Ce qui explique que les symptômes ressentis par les patients soient, depuis le début de la crise, très divers, allant dans le sens d’une hypothyroïdie ou d’une hyperthyroïdie. Ces travaux sont une première reconnaissance scientifique de la souffrance des patients, dont la parole a longtemps été niée, alors qu’ils sont, selon les décomptes, entre 500 000 et un million à s’être détournés de la nouvelle formule du Levothyrox.
Pour ces scientifiques, les essais dits de « bioéquivalence moyenne » ne sont pas adaptés en cas de changement de formule d’un médicament.