C’est une première victoire pour les malades du Levothyrox. Plus de 3 300 patients ayant souffert d’effets secondaires vont pouvoir être indemnisés, cinq ans tout juste après le changement de formule. Le 16 mars, la Cour de cassation a en effet condamné définitivement le laboratoire Merck et confirmé la peine prononcée en appel en juin 2020. À l’issue de cette bataille judiciaire, le montant de l’indemnité que chaque plaignant va toucher – 1 000 euros – n’est pas élevé. Le coût de la sanction atteint donc un peu plus de 3 millions d’euros pour Merck, une broutille dans les comptes du laboratoire, dont le chiffre d’affaires a dépassé les 19 milliards d’euros l’année dernière. Mais la responsabilité du laboratoire est établie. Et, après avoir rencontré beaucoup de difficultés pour être entendus, notamment par les autorités sanitaires, les patients voient leurs souffrances reconnues.
En mars 2017, lorsque Merck lance le nouveau Levothyrox, les excipients ont été modifiés : le lactose a été remplacé par de l’acide citrique et du mannitol. Dans la foulée, des dizaines de milliers de malades de la thyroïde signalent des effets secondaires auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), parmi les 3 millions de malades français qui le prennent alors quotidiennement – ils sont moins de 2,5 millions aujourd’hui. Le « switch » s’est produit à leur insu : le design des boîtes de médicaments a été légèrement modifié, mais sans mentionner le changement de formule. Pharmaciens comme médecins généralistes ont été peu informés, via des mails ou courriers qui ne préconisaient pas de suivi particulier. Merck savait pourtant être en situation de quasi monopole en France, laissant les patients sans solution alternative en cas de problème. Et savait aussi commercialiser un médicament sensible, dit à marge thérapeutique étroite – ce qui signifie que l’écart entre la dose efficace et un dosage toxique est faible, rendant la stabilisation des patients difficile.
Plus de 4 000 malades décident alors de participer à une action collective, lancée par l’avocat toulousain Christophe Lèguevaques. Une première dans un scandale sanitaire en France, rendue possible par la loi Hamon de 2014. Et encore, il a fallu attendre l’extension du dispositif aux affaires de santé dans la loi Touraine deux ans plus tard (lire l’épisode 11 des Lobbyistes, « Levothyrox : l’incompréhensible retard de Merck »).