De la direction de Merck France au lobby pharmaceutique, il n’y a qu’un pas. Le 5 juillet dernier, Thierry Hulot, le PDG du laboratoire fabriquant le Levothyrox, a été élu à la présidence du Leem (Les entreprises du médicament), l’organisation professionnelle représentant le secteur. Diriger un laboratoire responsable de l’une des plus graves crises sanitaires provoquées par un médicament au cours des dernières années en France n’a pas freiné son ascension. Thierry Hulot a toujours défendu pied à pied la nouvelle formule, lancée en mars 2017
Mais trois mois après son arrivée à la tête du Leem, la justice a rattrapé Thierry Hulot. Le 18 octobre dernier, le PDG a été entendu plusieurs heures par la juge chargée du dossier, à Marseille, en présence des deux avocats du laboratoire, Mario-Pierre Stasi et Jacques-Antoine Robert. À l’issue de son audition, la mise en examen de Merck pour « tromperie aggravée » lui a été signifiée. Le labo a également été placé sous contrôle judiciaire. Il doit provisionner 11,3 millions d’euros dans la perspective d’un éventuel procès, afin de garantir le paiement d’amendes ou de dommages et intérêts aux victimes.

Pour les malades, cette mise en examen constitue une « étape importante », selon Beate Bartès, représentante de l’association Vivre sans thyroïde (VST). « Merck accède désormais au dossier d’instruction. La bataille des expertises et contre-expertises va commencer », poursuit-elle. D’autres s’impatientent et espèrent que les autres chefs d’accusation n’ont pas été abandonnés par l’instruction : l’information judiciaire avait aussi été ouverte pour « blessures involontaires » et « mise en danger d’autrui », puis étendue au chef d’« homicide involontaire », après la mort d’une femme de 48 ans attribuée au changement de formule du Levothyrox par sa famille. Des chefs d’accusation plus difficiles à étayer car ils impliquent de démontrer des liens de cause à effet entre la prise de la nouvelle formule et les symptômes ressentis par les malades, à l’aide d’expertises sur les patients.
Sur le volet tromperie, en revanche, le dossier d’instruction est déjà bien rempli.