Suède, envoyée spéciale
Kiruna, Suède, 150 kilomètres au nord du cercle polaire. Chaque nuit, entre 1 h 15 et 1 h 45, la terre tremble à Kiruna. Dans les rues enneigées, de brusques secousses font vaciller les quelques fêtards rentrant chez eux après la fermeture du pub. C’est l’heure de la mine. Dans les entrailles de la terre, des ouvriers font exploser la pierre pour extirper les pépites de la plus grande exploitation de fer souterraine du monde : Luossavaara-Kiirunavaara.
400 kilomètres de galeries, plongeant à plus de 1 400 mètres sous terre… Bordant le sud de la cité, la mine est une gigantesque fourmilière industrielle dominant un gouffre noir, tel un paquebot au bord du monde. Le cœur battant de l’extraction minière suédoise. Avec ses 132 années d’existence et un chiffre d’affaires annuel de 48,8 milliards de couronnes (4,5 milliards d’euros) en 2021, la compagnie publique LKAB est un fleuron de l’industrie et le gisement de Luossavaara, sa source historique. Large de 80 mètres et long d’au moins 4 kilomètres, exploité depuis plus d’un siècle, il ne tarit pas en dépit d’une extraction de plus en plus extensive au fil des avancées technologiques. « Et nous pourrons continuer l’exploitation au moins jusqu’en 2060 », assure une employée de LKAB aux touristes venus visiter ses galeries.
Problème, le filon bifurque vers la cité de Kiruna et plonge à 2 kilomètres de profondeur, sous les pieds des habitants. Plus les mineurs creusent, plus la terre se fracture. Les fissures remontent en diagonale vers la surface, provoquant un affaissement progressif des sous-sols. Et la cité s’effondre progressivement, dix centimètres engloutis chaque jour par le gouffre de la mine, quarante mètres par an.
Alors pour que LKAB continue de creuser, c’est un titanesque déménagement qui a été lancé en 2013 : celui de l’intégralité du centre-ville de Kiruna. Sa gare et ses maisons colorées, ses commerces, son église et l’antique caserne de pompiers sont progressivement délocalisés trois kilomètres à l’est, au bord d’une zone commerciale. Plus de 6 000 habitants sont concernés. Chaque année et jusqu’en 2035