À l’Assemblée nationale, j’ai reconnu des visages que j’avais croisés à des meetings, ces derniers mois : des nouveaux élus de La République en marche que rien ne prédestinait à devenir députés, des jeunes postulants qui cherchaient à devenir assistants parlementaires et avaient troqué leurs T-shirts de « helpers » contre des costumes cravates, des conseillers du QG venus épauler les parlementaires tout frais sortis des urnes. En un an, le mouvement initié par Emmanuel Macron a attiré des citoyens d’horizons différents, las, disaient-ils, des discours rabâchés et des logiques politiciennes, il les a désinhibés. En explorant La planète Marche pour Les Jours depuis la fin du mois de décembre 2016, j’ai vu s’épanouir et se transformer ces aspirations nouvelles, jusqu’à la conquête du pouvoir. J’ai observé des militants (souvent des femmes, d’ailleurs) qui vivaient leur premier engagement politique, couvés par un mot d’ordre de « bienveillance », et gonflés par la promesse du renouveau. J’ai été à leurs côtés les soirs d’élection, les ai collés, je me suis incrustée dans leurs réunions ou leurs journées de formation à huis clos, j’ai accompagné leurs actions de terrain, pendant des mois. J’ai scruté leur confrontation avec le monde politique que, la plupart, ils ne connaissaient pas. J’ai vu des dévoués, des fervents, des propulsés, des convaincus, des déçus aussi parfois, dont la confiance s’ébranle un peu à l’heure où s’ébauche la constitution d’un véritable parti. Ils se sont jetés avec passion en Macronie et ont pris goût à l’action politique. Aucun n’imaginait que cet engagement allait bouleverser leurs vies.
C’était un samedi matin d’hiver glacial. Quelques semaines après le meeting (plein à craquer) d’Emmanuel Macron porte de Versailles, En marche réunissait ses adhérents des IXe et Xe arrondissements de Paris. Il y avait là un petit monde en soi, échauffé, enthousiaste, heureux de se rassembler. C’est Céline Calvez qui animait la rencontre, dans un café de la place de la République. « C’était ma première réunion publique », se souvient-elle. Je m’étais glissée parmi la centaine de participants. Il y avait là quelques curieux, mais la plupart étaient déjà des adhérents actifs ; des convaincus de la première heure. Céline Calvez, micro à la main, faisait la cheffe d’orchestre, distribuant la parole à des animateurs locaux qui venaient de créer des comités.