Pendant huit mois, je suis partie en exploration sur « La planète Marche ». Quand il s’est lancé en campagne, Emmanuel Macron avait promis du « renouveau ». Ils ont été des centaines de milliers à le croire et à lui emboîter le pas. Jusqu’à le porter au pouvoir. J’étais alors loin de m’imaginer qu’il serait le prochain président de la France. J’ai commencé à travailler sur cet objet politique non identifié en décembre 2016. J’étais mue par une curiosité journalistique : comment constituer un mouvement hors des partis traditionnels jugés « obsolètes », « exsangues » ? Comment bâtir une force politique sans utiliser les mêmes recettes, sans décevoir ? Qui étaient ces militants, néophytes ou désappointés par la politique, qui se transformaient en « marcheurs », la foi chevillée au corps ?
À présent que La République en marche (LREM) – nouveau nom d’En marche depuis le 8 mai 2017, lendemain du second tour de l’élection présidentielle – est devenue le parti majoritaire, cet objet intrigue toujours. Deux semaines après une note de la fondation Jean-Jaurès consacrée à ses « sympathisants », le think tank Terra Nova s’y est intéressé à son tour. Qui sont ses adhérents ? Quelles sont leurs cultures politiques, leurs valeurs ? Comment se situent-ils par rapport au clivage gauche-droite annoncé moribond ? Sont-ils porteurs d’un nouveau rapport à la politique ? Terra Nova vient de publier un rapport de grande ampleur, en interrogeant un échantillon de 8 815 adhérents sur plus de 390 000 comptabilisés au début de l’enquête (à la mi-avril 2018). Sachant que pour être « adhérent » à LREM, contrairement à ce qui se passe dans les autres partis (Les Républicains, le Parti socialiste ou le Rassemblement national, par exemple), il n’y a pas de cotisation à payer. Il suffit de s’inscrire en ligne, et de jurer qu’on n’est pas un robot. Le questionnaire de Terra Nova a transité par La République en marche, qui a renvoyé les réponses – en les anonymisant – au think tank. Plus d’un an après mon immersion en Macronie, lors de laquelle j’avais écumé les réunions des comités locaux, participé aux événements, accompagné des adhérents, éprouvé les méthodes d’En marche à Paris, en Seine-Saint-Denis ou en Bourgogne, j’ai replongé pour étudier le portrait-robot qui se dessine au fil de cette enquête de 205 pages.

Je me souviens de la première réunion d’En marche à laquelle j’ai assisté (lire l’épisode 1 de la saison 1). C’était début janvier 2017, place de la République à Paris.