Cette année 2023 est une double célébration autour de Nina Simone : les quatre-vingt-dix ans de sa naissance et les vingt ans de sa mort. Tout est donc parfaitement aligné pour que déferlent des coffrets luxueux, des titres inédits à foison, des éditions vinyles de toutes les couleurs. Mais rien n’a été publié, ou si peu. Cette année Nina Simone est rachitique en matière de sorties : Sony et Universal relancent chacun leur compilation à peine maquillée en nouveauté, et la seconde major y ajoute You’ve Got To Learn, un live au Newport Jazz Festival en 1966 bienvenu mais pas surprenant. Pourquoi si peu pour une icône qui compte autant dans la musique et pour la jeunesse d’aujourd’hui (lire l’épisode 1, « Nina Simone, femme actuelle »), qui connaît un regain de vitalité sur les plateformes de streaming et rassemble les générations ? Il ne s’agit pas d’un manque de matière, Nina Simone a enregistré de la musique pendant quarante-cinq ans et il existe de nombreuses bandes jamais publiées qui sont même devenues carrément légendaires. Elles sont d’ailleurs évoquées dans les deux biographies de référence, celles de David Brun-Lambert et de Nadine Cohodas. Il y est question d’enregistrements qui ont fait l’objet d’une bataille, dans les dernières années de la chanteuse passées à Carry-le-Rouet, dans les Bouches-du-Rhône, entre Clifton Henderson, celui qui est devenu son manager après avoir évincé tout son entourage (lire l’épisode 5, « Nina Simone, seule jusqu’à la mort »), et la vieille garde de ses amis qui l’ont entourée dans les années 1980 et 1990