Comme s’il faisait corps avec les joueurs de l’OM affaiblis par les blessures au bout d’une saison à rallonge, Michel Tonini ressent une « lassitude » qui se lit sur son visage. « On ne peut pas toujours être à fond », lâche le leader des Yankee qui, après trois décennies de fanaticat, nourrit une certaine nostalgie pour ces temps lointains où les habitués du groupe de supporters arrivaient « avec les tréteaux, le Ricard et le barbecue » le matin du match au Vélodrome, et se tapaient une pétanque dans le virage Nord une fois les tifos prêts.
« Maintenant, tu rentres avec une boule de pétanque, tu pars direct en prison. » Surtout, comme on vous l’a déjà conté dans cette série, le supporter est en pleine interrogation existentielle – et allume quelques fumigènes supplémentaires le temps de parfaire sa réflexion, ce qui donne à la Ligue de football professionnel (LFP) l’occasion de sanctionner les siens avec régularité. Ainsi, ce jeudi soir, la commission de discipline a prononcé la fermeture du virage Sud bas et du virage Nord haut du Vélodrome pour le match de ce dimanche 8 avril contre Montpellier, en raison d’« usage d’engins pyrotechniques » lors d’une précédente rencontre. Les supporters olympiens devraient également être interdits pour le déplacement à Troyes le 14 avril. La LFP veut faire du foot « un théâtre ou un musée dans lequel on vient consommer ses pop-corns et sa petite boisson gazeuse, assis à sa place », déplore le groupe de supporters Marseille Trop Puissant.

« On nous voit au mieux comme un mal nécessaire, une vitrine, mais sans droit à la parole, abonde Michel Tonini. On se demande : “Est-ce que le club veut encore de nous ?” » Souvent, l’homme doute : « À quoi bon continuer ? Avant, c’était 80 % de plaisir et 20 % d’emmerdements. Maintenant, c’est l’inverse. » Mais lâcher, « c’est ce qu’ils veulent… C’est pour ça qu’on ne lâche pas ».
C’est bien de savoir parler anglais pour vendre son produit à l’extérieur, mais il faudrait d’abord apprendre à parler marseillais.
Avec la nouvelle direction formée par le proprio Frank McCourt et The Prez Jacques-Henri Eyraud, le courant ne passe pas. Ou alors, avec une tension de 25 000 volts à chaque bout. « Ils ne rêvent que de développement international, c’est bien. Mais la base de l’OM, c’est les Marseillais », juge Tonini, 52 ans. Pour lui, « c’est bien de savoir parler anglais pour vendre son produit à l’extérieur, mais il faudrait d’abord apprendre à parler marseillais ». Son regret : « Ils veulent tout maîtriser de A à Z, nos âmes comprises. »
Le 23 mars, la relation de « défiance » est montée d’un cran quand l’OM a annoncé porter plainte pour escroquerie, à la suite des « incidents survenus dans le virage Nord et des nombreuses plaintes et témoignages reçus par le club » après la rencontre contre Lyon, cinq jours plus tôt (lire l’épisode 9, « Marseille donne la larme »).