De l’aveu même de ses membres, la question de la protection des mineurs est longtemps restée dans l’angle mort de la communauté catholique des Focolari. Les années 1970 à 2000 surtout relèvent d’une « autre époque », veulent-ils croire. Ce sont les décennies au cours desquelles l’un des leurs, Jean-Michel M., est soupçonné d’agressions sexuelles sur une trentaine de garçons (lire l’épisode 2, « Pédocriminalité : trois responsables des Focolari limogés »). Une « autre époque » d’une société plus naïve et que les témoignages encore rares des victimes n’avaient pas dessillée, facilitant la dissimulation de tels actes. « Nous n’avions aucune conscience de ces risques, insiste Béatrice, membre des Focolari depuis les années 1980. De nombreuses familles confiaient leurs enfants aux “assistants Gen” (les animateurs chargés des sections de jeunes, ndlr) sans se poser la moindre question. Nous faisions preuve d’une énorme confiance, d’aucune arrière-pensée. » Une ingénuité confortée par la religiosité du mouvement, la ferveur des rassemblements et de la vie consacrée. « Nous trouvions magnifique ce charisme basé sur l’amour et l’écoute, poursuit-elle. Nous étions un peu tout feu tout flamme et sans doute sans beaucoup d’esprit critique. »
« J’ai toujours eu la sensation que l’appartenance à la “famille” du mouvement, son idéologie, passait avant l’écoute des enfants », tranche Emmanuelle Bussières, 46 ans.