Tu ne pardonneras pas

Musicien et clown de métier, Christophe Renaudin avait entre 14 et 16 ans quand il a subi des agressions sexuelles de la part d’un laïc consacré au sein du mouvement catholique des Focolari. Lorsqu’il a porté plainte, en 1994, trois autres garçons ont témoigné contre le même homme. Sous sa pression, les Focolari admettent désormais avoir recensé une trentaine de victimes déclarées. En février 2020, Christophe Renaudin a raconté son histoire lors d’une réunion publique de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), à Nantes. Quarante ans après les faits, il continue de se battre pour forcer les Focolari à faire leur introspection et plaide pour qu’une commission externe, à l’instar d’autres mouvements religieux, fasse la lumière sur l’ampleur de ces violences.

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Lancée fin 2018 à la demande de la Conférence des évêques de France (CFE) et de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), la Ciase vise à faire la lumière sur les scandales qui entachent le catholicisme français depuis plus d’un demi-siècle, à l’image de l’affaire Bernard Preynat, prêtre condamné à cinq ans de prison, en mars 2020, pour des agressions sexuelles commises sur des scouts, un jugement dont il a fait appel. La Ciase s’intéresse aux violences perpétrées par des prêtres, des évêques, des religieux, mais aussi des laïcs consacrés, séminaristes, diacres, etc. Elle a trois missions – « l’établissement des faits, la compréhension de ce qui s’est passé et la prévention de la répétition de tels drames » –, mais pas celle « d’établir des responsabilités personnelles ». À sa tête, Jean-Marc Sauvé, haut-fonctionnaire en retraite, s’est entouré de divers profils : juristes, médecins, théologiens, spécialistes de la protection de l’enfance… La collecte de témoignages, via une ligne d’écoute, des réunions publiques et des auditions privées, s’achève fin octobre. Des travaux de recherche sont en cours. Le rapport final est attendu en octobre 2021.

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Les Focolari, aussi appelés Œuvre de Marie, ont vu le jour en Italie, en 1943, à l’initiative de Chiara Lubich, une institutrice qui choisit de consacrer sa vie à Dieu et fait aujourd’hui l’objet d’un « procès » de béatification à Rome. Les Focolari revendiquent 2 000 membres et 15 000 sympathisants en France, où ils sont présents depuis les années 1950, ainsi que 140 000 membres et 2 millions de sympathisants dans 182 pays. Il s’agit d’une association de fidèles, de droit pontifical, qui réunit aussi bien des laïcs que des religieux. Parmi eux, des laïcs « consacrés » – qui ont prononcé des vœux – résident dans des petites communautés de vie, masculines ou féminines, appelées « focolare ».

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Simple adhérent au sein des Focolari après y avoir longtemps exercé des responsabilités, Maxime Fouanon a été informé en 2015 du passé de Jean-Michel M. par des connaissances de la famille Renaudin. Depuis, ce fervent catholique, septuagénaire, lui-même agressé sexuellement par un prêtre dans son enfance, ne cesse de se battre aux côtés de Christophe Renaudin pour pousser le mouvement à identifier et traiter dignement les nombreuses victimes déclarées.

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Membre des Focolari des années 1960 à 2016, Jean-Michel M. y a longtemps bénéficié d’une aura certaine. Cet ingénieur a quitté son métier pour épouser la vie de laïc consacré, faisant, sans être ordonné prêtre, vœux de célibat, de chasteté et de pauvreté. Réputé charismatique, il dirigeait notamment la maison d’édition du mouvement. En 1994, Christophe Renaudin a déposé plainte contre lui pour agressions sexuelles sur mineur de moins de 15 ans et tentative de viol. En 1998, M. a été condamné au civil pour les agressions sexuelles. À cette époque, déjà trois autres garçons avaient témoigné contre lui. Les Focolari estiment aujourd’hui à une trentaine le nombre de personnes l’accusant d’agressions sexuelles alors qu’ils étaient enfants ou jeunes adultes.

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Énarque, Jean-Marc Sauvé a mené une grande partie de sa carrière au Conseil d’État, dont il a assuré la vice-présidence de 2006 à 2018. Ce natif de la Somme, qui fut un temps préfet de l’Aisne, a aussi œuvré comme conseiller de Robert Badinter au ministère de la Justice et secrétaire général du gouvernement sous quatre Premiers ministres, résistant au changement de majorité. À 71 ans, il occupe sa retraite par des mandats bénévoles, au conseil d’administration de la Fondation Apprentis d’Auteuil, de la Cité internationale universitaire de Paris ou des comités d’éthique de Paris 2024. Les représentants des évêques et des religieux lui ont confié en 2018 la présidence de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), pour laquelle il s’est entouré de 21 membres.

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