La salle Lamartine de l’Assemblée nationale est grande et sombre. Si sobre, si policée, que personne ne se risquerait à y faire preuve de lyrisme. Dix minutes avant le début des premières auditions de la commission spéciale chargée d’étudier le projet de loi bioéthique, le silence y est presque étouffant. Agnès Firmin Le Bodo, la discrète députée de Seine-Maritime, présidente de la commission et proche du Premier ministre, est déjà là. En tribune presse, située en surplomb de la salle, on s’agite bien un peu. Audrey Kermalvezen, cofondatrice avec son mari de l’association Origines, interpelle les journalistes et assistants parlementaires qui s’y sont installés. Elle leur exprime sa colère : aucune association d’enfants nés de PMA avec don de gamètes n’a été conviée aux auditions. Erreur grossière, probablement due au temps limité dévolu à l’organisation de celles-ci. Tout s’est mis en place durant l’été. On a condensé l’agenda à l’extrême, pour que soient respectées les dates communiquées par Édouard Philippe lors de sa déclaration de politique générale du 12 juin. Les auditions de la commission spéciale se sont déroulées jusqu’à ce lundi 9 septembre. On y débat désormais des amendements au projet de loi jusqu’au 13. Et le texte amendé arrivera dans l’hémicycle le 23.
La salle Lamartine s’est un peu remplie lorsque Laurence Vanceunebrock-Mialon y fait son entrée, toute de noir vêtue. Elle s’installe au second rang des députés, positionnés en arc de cercle. Devant la députée que suivent Les Jours, les six corapporteurs du projet de loi. À sa droite, la présidente. En face, les associations LGBT auditionnées ce matin du 27 août. L’ambiance entre elles n’est pas des plus joviales. Elles s’invectivent entre elles depuis plusieurs semaines, à coup de tribunes dans la presse, sur le point le plus sensible du projet de loi, qui scelle leur désaccord : celui du mode d’établissement de la filiation entre les parents et leur enfant né d’une PMA avec don de sperme (lire l’épisode 2, « PMA pour toutes, une loi dans l’œuf »).
En l’état actuel du projet de loi en effet, les couples lesbiens, et seulement eux, seraient obligés d’effectuer, en début de parcours et en même temps qu’un consentement au don chez le notaire, une « déclaration anticipée de volonté » (DAV), que la mère n’ayant pas accouché devra présenter à un officier d’état civil pour faire établir sa filiation avec l’enfant, après la naissance de celui-ci.