La liberté n’a pas de prix, sauf quand elle coûte 300 millions d’euros. Ce mardi 14 novembre, grâce à une nouvelle forme de transaction pénale appelée « convention judiciaire d’intérêt public » (CJIP), une filiale suisse de la banque HSBC a échappé à un procès en France pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale » et « démarchage illicite ». L’entreprise s’est engagée à verser 300 millions d’euros à l’État français en échange de l’abandon des poursuites.
Jusqu’ici, HSBC Private Bank Suisse était mise en examen pour avoir organisé un vaste système d’évasion fiscale en faveur de ses clients français, en 2006 et 2007, découvert grâce aux listings dérobés par l’informaticien Hervé Falciani. L’enquête avait démarré en 2009 à Nice, avant d’être reprise par des juges d’instruction du pôle financier de Paris. Six mois après l’entrée en vigueur de la loi Sapin 2 qui rend possible la signature de tels accords (inspirés de la procédure anglo-saxonne) avec des personnes morales mises en cause pour certaines infractions – corruption, trafic d’influence, blanchiment de fraude fiscale –, c’est le premier du genre. Il a été négocié par la banque avec le Parquet national financier (PNF), puis validé par le président du tribunal de grande instance de Paris. La CJIP implique que la personne morale qui en bénéficie reconnaisse les faits, mais cela n’équivaut pas à une déclaration de culpabilité.

À l’occasion de cette signature, le PNF a convoqué une conférence de presse en urgence ce mardi soir. La procureure nationale financière Éliane Houlette a salué un accord « équilibré », signe « d’une justice plus lisible, plus rapide et plus exemplaire ». « Le temps judiciaire n’est pas le temps de l’entreprise. L’entreprise qui a reconnu ses torts et en tire les conséquences doit pouvoir tourner la page. Son premier patrimoine, c’est sa réputation. Elle ne peut pas traîner la perspective d’un procès des années durant. À l’incertitude d’un procès, elle a préféré la certitude d’une sanction pénale. »
La magistrate et Éric Russo, le vice-procureur qui s’est chargé des discussions avec la banque, sont revenus sur ce « très long processus de négociation » entamé il y a un an. En octobre 2016, au terme de l’enquête menée par les juges d’instruction Guillaume Daïeff et Charlotte Bilger, le PNF rend son réquisitoire définitif : il réclame un procès pour la banque.