Ce vendredi, le tribunal correctionnel de Paris a fixé la date d’un procès assez exceptionnel. Les 11, 12, 18 et 19 octobre 2018, le géant pétrolier Total et deux intermédiaires iraniens doivent comparaître devant la 11e chambre pour « corruption d’agents publics étrangers ». C’est la conséquence d’une longue enquête du pôle financier sur des commissions versées par Total en Iran, entre 1996 et 2003, en marge de plusieurs contrats pétroliers et gaziers. Christophe de Margerie, l’ancien PDG de Total, aurait lui aussi dû s’asseoir sur le banc des prévenus. Mais il est mort le 20 octobre 2014, dans un accident d’avion à Moscou.
La justice française, qui avait ouvert une enquête en décembre 2006, soupçonne Total d’avoir versé des pots-de-vin à des intermédiaires pour que des officiels iraniens lui attribuent des marchés, grâce à leur proximité avec l’ancien président Rafsandjani. L’un des contrats en cause a été conclu entre Total et la compagnie pétrolière iranienne (NIOC). Il portait sur l’immense champ gazier offshore de South Pars, dans le golfe Persique, partagé entre les eaux territoriales iraniennes et qataries. Total a toujours soutenu « l’entière légalité » de son comportement « au regard du droit français ». S’agissait-il de commissions occultes ou de commissions légales ? La question devrait être au cœur du procès.
À l’audience de fixation qui s’est tenue ce vendredi, les avocats des deux intermédiaires ont cependant averti le tribunal d’une difficulté supplémentaire : leurs clients iraniens sont sans doute morts, eux aussi. Pour l’un d’entre eux, c’est quasiment une certitude. Abbas Yazdi a disparu depuis juin 2013, et trois Iraniens ont été condamnés à la prison à vie, à Dubaï, pour son enlèvement. Le deuxième intermédiaire, Bijan Dadfar, fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Mais son avocat a évoqué la possibilité qu’il soit mort entre-temps, sans fournir de détails sur les circonstances ni de certificat de décès. « La question de savoir s’ils sont vivants ou morts me semble quand même assez essentielle », s’est agacée la présidente du tribunal, rappelant qu’en l’absence de preuves, ils seront jugés comme s’ils étaient en vie. Quant à l’association qui s’était portée partie civile, son représentant légal est également décédé. Voilà voilà.
Pour identifier les circuits financiers utilisés, les enquêteurs français avaient collaboré avec la justice américaine. Total était également poursuivi aux États-Unis, où les autorités lui reprochaient d’avoir payé