Pour éviter toute mauvaise surprise, vous inspectez régulièrement les mouvements sur votre compte bancaire. Pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, les banques européennes doivent faire de même. Encore faut-il qu’elles aient les bonnes lunettes… et qu’elles les mettent. D’après nos informations, le parquet de Paris a ouvert en septembre une enquête préliminaire visant La Banque postale, confiée à la brigade financière, pour des manquements à ses obligations antiblanchiment. La justice avait été saisie par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), surnommée le « gendarme des banques ». Lors d’une inspection à La Banque postale, cette institution a découvert « plusieurs faits graves », selon un prérapport d’une trentaine de pages élaboré en juin, dont Les Jours ont eu connaissance.
Dans ce document provisoire, puisque la banque y a depuis répondu, l’ACPR lui reproche un « ensemble de dysfonctionnements » dans le contrôle des clients qui recourent à ses services. En particulier sur deux points : les « mandats cash » (un procédé permettant aux particuliers d’envoyer facilement des espèces) et son dispositif de gel des avoirs (le blocage des fonds appartenant à certaines personnes physiques ou morales). Les Jours révèlent ainsi que, d’après ce document, La Banque postale a sciemment retiré de ses listes de clients indésirables la Saving Bank, une banque d’État syrienne, dont les avoirs avaient été gelés par l’Union européenne parce qu’elle finançait le régime de Bachar el-Assad.

Le prérapport de l’ACPR souligne que « ces manquements ont été reconnus par les responsables des services concernés et confirmés par le directeur général de La Banque postale », Marc Batave. L’avocat de La Banque postale, Christophe Ingrain, appelle cependant à « la prudence » sur ce point, rappelant que la banque a répondu au régulateur à la rentrée de septembre. Sans se prononcer sur le fond, l’avocat fait valoir que « la procédure devant l’ACPR est toujours en cours » et qu’« une prise de position publique de La Banque postale mettrait en difficulté son déroulement ». Le « gendarme des banques », de son côté, se borne à répondre qu’il « ne communique pas sur les dossiers individuels », « afin de respecter son obligation légale de confidentialité ». L’ACPR n’a pas non plus indiqué combien de signalements sont transmis à la justice chaque année.
Tout comme « nul n’est censé ignorer la loi », nulle banque n’est censée ignorer qui sont les particuliers et les entreprises qui détiennent des comptes chez elle (adresse, profession, origine des revenus), ou qui effectuent régulièrement des opérations financières par son intermédiaire.