Au pôle financier, rue des Italiens à Paris, les plus célèbres affaires d’argent sont politiques. Mais la justice anticorruption a d’autres centres d’intérêt que le financement des campagnes électorales, les marchés publics ou les emplois familiaux des parlementaires. Dont un secteur aussi lucratif que populaire : le sport. Foot, athlétisme, rugby, cyclisme, tennis (retrouvez dans notre « Magouillotron » les petits arrangements de la Fédération française de tennis)… Sur toutes ces disciplines, des enquêtes judiciaires sont en cours. Menées par le Parquet national financier (PNF) ou par des juges d’instruction du pôle, elles portent principalement sur deux aspects : la manipulation des compétitions et la corruption dans la gouvernance des instances sportives. Mais aussi sur l’évasion fiscale pouvant impliquer des sportifs, comme dans les « Football leaks » (à retrouver dans notre « Magouillotron »), à la limite entre optimisation légale et fraude.
L’un des magistrats chargés de marquer des buts pour l’accusation, Jean-Yves Lourgouilloux, porte le maillot du PNF. Il estime que le sport, longtemps resté « un domaine peu investi » par la justice, « méritait vraiment de l’être ». « Il n’y a aucune raison pour que le monde du sport, devenu l’une des industries les plus rentables, ne connaisse pas les mêmes phénomènes d’atteinte à la probité et de corruption que le monde des affaires. » Le procureur adjoint et ses coéquipiers ont lancé les investigations dans deux dossiers complexes, internationaux et explosifs, désormais aux mains des juges d’instruction : l’enquête sur la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) et celle sur l’attribution des Jeux olympiques de Rio (en 2016) et de Tokyo (en 2020). Comme des poupées russes, ces deux affaires semblent emboîtées l’une dans l’autre.

Tout commence en 2015. À l’issue d’une enquête indépendante, l’Agence mondiale antidopage soupçonne des membres de la Fédération internationale d’athlétisme d’avoir reçu de l’argent pour fermer les yeux sur le dopage d’athlètes russes. L’agence cherche alors « une autorité judiciaire qui pourrait prendre le relais », raconte Jean-Yves Lourgouilloux. La Russie et le Sénégal, dont vient l’ex-président de la fédération, Lamine Diack, apparaissent « trop impliqués », tandis que Monaco (où siège l’IAAF) « n’avait pas les effectifs » pour une enquête si longue. Le dossier (à retrouver