Elle est tout le temps sur le qui-vive, l’œil ouvert. Parfois, les maîtres de cérémonie ont du mal à s’effacer. Ils distribuent la parole de manière ostensible, commentent chaque intervention, ramènent la conversation à eux. Barbara Romagnan n’a pas cette manie. Alors qu’autour de la table, tout le monde la connaît, elle se présente : Députée PS très fâchée mais très heureuse que vous soyez là.
La nuit est tombée sur Besançon. Barbara Romagnan, la député socialiste de la première circonscription du Doubs, que Les Jours suivent, a invité le sociologue Michel Wieviorka pour la première étape de la primaire des gauches et de l’écologie.
Dans la ville, 640 personnes ont signé l’appel initié par des personnalités de la société civile, comme les économistes Thomas Piketty et Julia Cagé, la romancière Marie Desplechin, la sociologue Dominique Méda, l’essayiste Raphaël Glucksmann, ou encore les écolos Yannick Jadot et Daniel Cohn-Bendit qui veulent croire qu’il n’y a pas de fatalité à l’impuissance politique
. Barbara Romagnan est l’unique députée et la seule socialiste parmi les premiers signataires.
Autour d’une table, avant le début du meeting au Kursaal, une salle de spectacle construite à la fin du XIXe siècle, une vingtaine d’hommes et de femmes qui veulent y croire… encore. Ils sont engagés dans la vie sociale, culturelle ou associative locale et désespèrent de n’apercevoir aucun horizon politique. Retraités de l’Education nationale, ancien directeur de théâtre, citoyens, pas encartés, ils sont prêts à mettre les mains dans le cambouis en échange d’un petit peu d’espoir. Pratiquer la politique autrement est une affaire de petites briques assemblées pour former un édifice d’idées qui deviendront peut-être incontournables.
Au début, on n’était même pas une dizaine, on n’était pas un collectif structuré. On a la conviction que dans notre pays, il y a une attente de respiration, politique, intellectuelle
, explique Wieviorka. Comme si une partie de la France avait envie d’ouvrir portes et fenêtres quand le reste du pays ferme les verrous à double tour. Moi, je suis dans le système, j’ai accès aux médias par exemple, mais tout se joue de haut en bas : le Président, le Premier ministre, puis les commentateurs, la communication, les sondages… Il y a peu d’espace pour réfléchir, on se sent écrabouillés.
Cette soirée à Besançon rappelle au sociologue les années LIP et les mobilisations des années 70 auxquelles il a participé.
Barbara Romagnan prend quelques notes.