Comment s’assurer que les nouvelles routes, rocades, usines et autres sites Seveso ne viendront pas polluer un peu plus le monde ? Comment informer et impliquer les citoyens sur les grands projets qui vont transformer leurs lieux de vie ? En France, il y a une procédure pour ça. On l’appelle « l’enquête publique ». Cette vieille institution, assez méconnue, est un mécanisme démocratique important. Ne serait-ce que parce qu’il se situe hors des urnes et vise à impliquer les citoyens à l’échelle locale. Mais elle est aussi un excellent révélateur du constat que nous faisons depuis le début de la série J’ai pollué près de chez vous : en France, le chantage à l’emploi et les fantasmes industriels font encore trop souvent passer l’urgence écologique au second plan.
L’énorme projet industriel Inspira est un exemple marquant en la matière (lire l’épisode 2, « En Isère, l’irrespirable projet Inspira »). Il vise à implanter en Isère une zone industrielle de 200 hectares sur des communes déjà pourvues d’un grand nombre d’installations dangereuses et polluantes. L’enquête publique chargée en 2018 de travailler sur ce dossier a abouti à un avis négatif. Conclusion des trois enquêteurs : « Le dossier doit être entièrement repris sur la base d’un projet mieux dimensionné, bien mieux compensé, et bien plus protecteur des tiers. » Le préfet d’Isère Lionel Beffre, qui fait partie des partenaires officiels du projet Inspira, est passé outre en déposant en décembre 2018 des arrêtés autorisant les travaux. C’est son droit même si, depuis, cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Grenoble. Ce qui est plus problématique, c’est que le président de la commission d’enquête publique, Gabriel Ullmann, a été radié quelques semaines après avoir rendu son avis négatif. Preuves à l’appui, celui-ci assure que le désormais ex-préfet de l’Isère, Lionel Beffre, et le président du département de l’Isère, Jean-Pierre Barbier (Les Républicains), ont activement œuvré pour l’évincer de son poste. Contactée à ce sujet, la préfecture n’a pas répondu à nos questions. Jean-Pierre Barbier s’est contenté de nous adresser des éléments de langage par mail. Gabriel Ullmann décrit aux Jours ses anciennes missions et sa bataille pour retrouver son titre de commissaire enquêteur. Sa parole nous ouvre les yeux sur les failles de la démocratie environnementale à la française.
Pouvez-vous nous expliquer ce que sont une enquête publique et un commissaire enquêteur ?
L’enquête publique, c’est un processus de consultation du public dans le but de le faire participer à la décision autour d’un projet local.