La scène se passe en 2006, dans un amphithéâtre survolté du campus Tertre, à Nantes. Nous sommes en pleine contestation contre le CPE, le contrat première embauche. Face à près de 700 étudiants chauffés à blanc, Sophie Binet, 24 ans, membre du bureau national de l’Unef (Union nationale des étudiants de France), déroule ses arguments sur la levée des blocages. Explique. Ne s’énerve pas. Tient tête à une assemblée très masculine, dont quelques anarchistes véhéments. Présent dans la salle, le professeur de droit Raphaël Romi se souvient s’être dit : « Elle a quelque chose, c’est une oratrice. » Il en est encore impressionné aujourd’hui. Le 31 mars 2006, l’obtention du retrait du CPE signera le premier fait d’armes de syndicaliste de Sophie Binet.
Avec Raphaël Romi, ils se sont croisés pour la première fois en 2003, lors d’un conseil d’administration. La militante et étudiante en philosophie devient alors présidente de l’Unef Nantes et vice-présidente étudiante de son université. Lui était le « doyen vert » de la fac de droit et de sciences politiques – un surnom dû à son engagement politique
Fille d’un urbaniste et d’une assistante sociale, Sophie Binet a fait ses classes à l’adolescence au sein de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), plus animée par la lutte contre les inégalités sociales que par Dieu. Consciente d’avoir eu plus de chance que d’autres, elle raconte sur l’antenne de France Inter avoir ressenti le besoin de mettre ses privilèges à leur service. Benjamin Vételé, adjoint socialiste au maire de Blois, dans le Loir-et-Cher, l’a lui aussi rencontrée en 2003, quand elle dirigeait l’association générale des étudiants (AGE) de l’Unef, la structure locale du syndicat à Nantes. Elle l’a secondé lorsqu’il a dirigé la tendance « Transformation sociale », avant de le remplacer à la vice-présidence nationale de l’Unef en 2007. Il se souvient de Sophie et ses amis, « la bande des Nantais ». Et pour cause :