Le jury a mis dix heures à rendre son verdict. On n’aurait pas aimé être à sa place, à devoir établir la « vérité judiciaire » sur la mort de Clément Méric et trancher le sort de ces trois accusés (lire l’épisode 1, « Clément Méric, un procès politique »). Il en fallait du temps, pour démêler les témoignages, les expertises, les plaidoiries, en tirer les preuves et se forger l’« intime conviction » exigée. Aux alentours de 19 h 30 ce vendredi, les abords de la salle d’audience ressemblent à un métro bondé. Les journalistes, la famille d’Esteban Morillo, celle de Clément Méric et ses soutiens patientent, pressés les uns contre les autres. Cette proximité imposée permet de se mettre quelques secondes à la place de chacun. À l’intérieur depuis le matin, gardés par des gendarmes, les accusés attendent de connaître leur destin avec leurs avocats pour seuls visiteurs autorisés. La foule s’anime quand les portes s’ouvrent pour la laisser entrer. Esteban Morillo, sans doute déjà conscient qu’il ne dormira pas chez lui ce soir, profite des derniers instants avec ses proches.

Quand la cour fait son entrée, les jurés ont l’air fatigué et grave. Pendant toute la durée du procès, assis de part et d’autre de la présidente Xavière Siméoni et de ses deux assesseurs, ils ont collé à leur serment de rester attentifs aux débats sans manifester aucune opinion. Il était temps de livrer celle qu’ils ont élaborée ensemble. Esteban Morillo et Samuel Dufour sont déclarés coupables des coups mortels contre Clément Méric et des violences contre deux de ses camarades, en réunion et avec arme. Ils sont condamnés respectivement à onze et à sept ans de réclusion criminelle, à peine moins que les réquisitions (lire l’épisode 9, « L’ombre de Clément Méric, le spectre de la prison »). Alexandre Eyraud est pour sa part acquitté. À l’énoncé du verdict, les gendarmes avancent dans l’allée centrale et passent les menottes aux deux condamnés. À l’inverse des jours précédents, Samuel Dufour fond en larmes, Esteban Morillo, lui, a cessé de pleurer. Ils sont conduits calmement dans le box vitré, première étape avant la prison. Ils ont dix jours pour faire appel et ont annoncé, par la voix de leurs avocats, qu’ils en avaient l’intention. Un deuxième procès devra donc se tenir.
Le matin même, les trois accusés côte à côte avaient prononcé leurs derniers mots à la barre.