Serge Ayoub n’est jamais aussi content que quand il a le dessus. Appelé à témoigner devant la cour d’assises de Paris le 6 septembre, l’ancien taulier du Local, le QG parisien des crânes rasés, a dégainé un certificat médical qui l’a dispensé de se déplacer pour quelques jours (lire l’épisode 2, « Au procès Méric, bancs dégarnis et crânes regarnis »). Il se sait très attendu et le message est clair : c’est lui qui décide, maître de son propre suspense. Ce mardi midi, les bancs de la presse étaient pleins comme jamais quand Serge Ayoub est sorti de la salle des témoins, prêt pour un one man show en terrain hostile qui inspirera le dégoût de tous, sauf de ceux qui sont d’accord avec lui. Massif, il pose son blouson de moto sur la table et s’appuie nonchalamment sur la barre. Se lance dans une tirade sur l’incompatibilité de son mouvement d’extrême droite, Troisième voie, avec le fascisme. S’autoproclame, en agitant les mains, « héritier du Conseil national de la Résistance ». Sort de son sac le livre qu’il a écrit. La présidente Xavière Siméoni l’interrompt à plusieurs reprises ; lui joue au témoin vexé. « Monsieur, vous pouvez vous éloigner un peu du micro ? — J’y peux rien, j’ai du coffre. » Serge Ayoub est fier de lui, c’est un vrai mec et il veut que tout le monde le sache. La présidente l’appelle, sans succès, à adapter son ton aux circonstances. Les accusés baissent les yeux.

Jusqu’ici, il n’était qu’une ombre planant au-dessus du procès. Esteban Morillo l’a eu en ligne, avant et après la bagarre qui a coûté la vie à Clément Méric, le 5 juin 2013. Les accusés et leurs amis, « sympathisants » de Troisième voie, sont allés se réfugier dans son bar le soir des faits. Il était là. Après avoir quitté le Local, les jeunes skinheads échangent toute la nuit par téléphone avec lui. Mais une fois en garde à vue, aucun d’eux ne fait allusion au rôle de Serge Ayoub. « Serge ne m’a jamais vraiment porté d’intérêt, je n’étais qu’un enfant », avançait Esteban Morillo au premier jour son procès. Un enfant avec le trident de Troisième voie tatoué sur le torse (lire l’épisode 1, « Clément Méric, un procès politique »). « Je lui disais bonjour, au revoir », résumait Alexandre Eyraud, qui a eu 32 communications téléphoniques avec Serge Ayoub dans la nuit du 5 juin 2013. Jusqu’à la mi-journée du lendemain, quand une partie des skinheads a été arrêtée et l’autre s’est rendue à la police, les échanges avec Ayoub ont été constants.