Rien ne laissait présager que la trajectoire du tueur des Ardennes percuterait un jour celle de gamins sans le sou de Belleville devenus pleins aux as au sein de la plus célèbre équipe de braqueurs des années 1980, le gang des postiches. Pas un signe ne permettait d’imaginer que le destin d’un voyou « politique » breton allait basculer, dans une cellule, au contact du prédateur sexuel Michel Fourniret, lors d’une alliance de circonstance pour déterrer le butin des Postiches. Enfin, rien n’indiquait que toutes ces histoires allaient finir au cimetière.
Du 13 au 16 novembre prochains, Michel Fourniret comparaît devant la cour d’assises des Yvelines pour assassinat et recel de vol, aux côtés de sa troisième épouse, Monique Olivier, jugée pour complicité. En 1988, il a trucidé la femme d’un voyou qui l’avait pourtant protégé en prison pour s’emparer d’un magot de braqueurs, 50 kilos d’or enfouis à côté d’une tombe. « L’amitié est une chose, les affaires en sont une autre », expliquera sans état d’âme Michel Fourniret. Il s’agit du seul crime crapuleux de celui qui restera l’un des pires tueurs en série de l’histoire du crime français, « le plus abouti » selon les mots de l’expert psychiatre Daniel Zagury. Rien ne prédestinait ce modeste fils d’ouvrier à devenir ce tueur extraordinaire.
Son histoire ordinaire débute un 4 avril 1942, dans la ville occupée et en grande partie détruite de Sedan, dans les Ardennes. La plupart des habitants ont fui avec l’exode de 1940. Michel Fourniret est le petit dernier d’une fratrie de trois enfants d’une famille très modeste. Il naît rachitique et conservera une petite taille, 1,68 m, qui le complexera. Son père, métallurgiste ajusteur, est un laborieux raviné par les excès de boisson depuis son retour du STO (service travail obligatoire) en Allemagne. Il casse parfois des manches à balai contre les murs. Sa mère, fille de paysan, orpheline à la naissance, a été élevée cachée par une tante et sans cesse traitée de « bâtarde ». Pendant l’Occupation, son emploi de femme de ménage à la Kommandantur avait suscité des rumeurs d’adultère. Elle a ensuite trimé à la filature locale. À la fin de la guerre, les parents ne s’entendent plus. Les scènes de ménage sur fond d’alcool provoquent l’explosion du couple. Le divorce est prononcé en 1954, le jour du douzième anniversaire de Michel Fourniret. Une année charnière où il aura une « vision de l’Immaculée Conception ».
Élevé par sa mère dans une stricte éducation religieuse, il la vénère comme Notre-Dame. Il porte également aux nues sa sœur Huguette, qui a trois ans de plus que lui, et forme avec elle, selon André, l’aîné, « un couple de faux jumeaux ». L’été de ses 13 ans, en colonie où il passe ses vacances avec les fils d’ouvriers des aciéries lorraines, Michel rencontre un moniteur qu’il admire, un séminariste érudit, et lui confie son désir de devenir curé.
Au collège de Sedan, ça ne va pas fort en sixième et cinquième pour le « petit Fourniret », ainsi raillé par ses camarades à cause de son allure chétive. Il se tient toujours un peu à l’écart des autres mais il se ressaisit en filière technique, classe de quatrième mathématiques. Il décroche même le certificat d’études primaires avec mention, et passe au lycée technique Bazin de Charleville-Mézières. Interne et boursier, il excelle en travaux pratiques à l’atelier et dans les matières classiques. Il n’est pas peu fier de son statut de chef de table au réfectoire, mais ne se vante pas de son côté chapardeur. En effet, certains élèves le décrivent comme un fourbe qui leur pique en douce des stylos, des livres et des sous. Ces vols à répétition conduisent le surveillant à fouiller le dortoir et à mettre la main, au fond de l’armoire de Fourniret, sur un sac de sport rempli de beaux livres et de quelques billets. Un week-end sur deux, le lycéen rentre chez sa mère où il retrouve sa collection de photos d’avions collées dans des cahiers.
Il avait des absences psychologiques que j’ai mises sur le compte de la guerre. Il était introverti, manquait d’affection. C’était un travailleur acharné qui voulait réussir, qui avait un potentiel entre ses mains, je voyais l’avenir assez attrayant.
Mais ses études prometteuses sont stoppées net par les difficultés financières de sa mère. À 17 ans, le voilà qui entre en apprentissage et décroche son CAP de fraiseur et d’ajusteur sur matrice. Il se fait embaucher à Vrigne-aux-Bois, dans une usine ardennaise spécialisée dans les presses hydrauliques. Il devient tourneur-fraiseur. Mais il veut gagner plus et vise la région parisienne. Il répond à une petite annonce pour un emploi à Sartrouville (Yvelines), et intègre à 19 ans la fabrique de pièces de véhicules Catoire, où il donne toute satisfaction. Son patron, qui lui inculque les valeurs du travail, du respect des autres et du bel ouvrage, reprendra d’ailleurs l’excellent ouvrier Fourniret comme chef d’équipe après son service militaire. Il effectue ses classes à Bremgarten, en Allemagne, en 1961. À la faveur d’une permission, il croise à l’hôpital Manchester de Charleville-Mézières, où sa mère est alitée, une jolie infirmière, Annette, dont il s’éprend. Mais il doit repartir sous les drapeaux, en Algérie, dans l’aviation selon ses dires. Il fête ses 20 ans dans le djebel à guetter les fellaghas. Il envoie à l’infirmière des lettres chavirantes et des fleurs séchées, des textes « poétiques et lyriques » qui la séduisent plus que l’homme : « Il a ce trait qu’il écrit bien et parle aussi très bien », expliquera Annette. Elle tombe amoureuse de son verbe et il se dit « fiancé par correspondance ».
À son retour d’Algérie, en 1963, Michel Fourniret épouse cette fille de bonne famille des Ardennes à l’église. Il a 21 ans, elle en a 27. Elle dévoilera longtemps après son intimité avec ce premier mari : « Il avait des absences psychologiques que j’ai mises sur le compte de la guerre. Il était introverti, manquait d’affection. C’était un travailleur acharné qui voulait réussir, qui avait un potentiel entre ses mains, je voyais l’avenir assez attrayant. » Michel Fourniret s’occupe alors du terrain de 6 300 mètres carrés qu’ils ont acheté à Floing, construit un atelier et trace « les plans de la future maison ». Il passe un CAP de dessinateur industriel par correspondance. Il lit. Il écoute de la musique classique. Il cherche à s’instruire et apprend en autodidacte l’allemand, le russe et le français littéraire. Selon un de ses collègues de l’usine, il avait les capacités « pour devenir ingénieur ».
Un fils naît en juillet 1964. « Il n’était pas très affectueux avec le bébé mais pouvait se montrer gentil, prévenant avec moi », poursuit Annette. Même si leur sexualité est très ordinaire, elle le trouve alors « attachant » et « plein de qualités » : « C’était pas n’importe qui. » Femme « indépendante » et devenue cheffe d’un service de 80 soignants, Annette a de l’autorité sur son mari : « C’est sûr qu’il n’aurait pas eu d’ascendant sur moi, je ne l’aurais pas supporté. » Une fois seulement en fin de grossesse, elle a refusé ses assauts et a fini par céder à contrecœur pour accomplir ce qu’elle nomme son « devoir d’épouse ».
Mais un jour de 1966, Annette découvre un étrange courrier dans la boîte aux lettres : une convocation de son mari au commissariat de Sedan. Elle lui réclame des comptes. Il lui assure qu’il ne comprend pas de quoi il s’agit. Elle l’accompagne chez les policiers et apprend sur place qu’il a fait monter la fillette d’un de ses aides-soignants dans sa 2 CV et qu’il est soupçonné de l’avoir touchée. Un dimanche matin, vers la statue de la Vierge de Floing, ce bon père et travailleur émérite a croisé une enfant de 11 ans sur le chemin de l’épicerie, et a stoppé net sa 2 CV verte. Ce monsieur à moustache qui présente bien demande à la petite son chemin pour aller au lieu-dit « L’Algérie ». Elle explique que c’est facile. Mais l’homme la prend alors par la main et la fait monter en douceur dans sa voiture : ce sera plus simple si elle le guide. Elle grimpe sur le siège passager, sans aucune crainte. Il conduit jusqu’à L’Algérie. Et puis à la lisière d’un bois, tout à coup, il lui lance : « Tu es toute pâle, tu dois être malade, enlève ta petite culotte. » Là, elle prend peur, prie la Sainte Vierge et rétorque : « Mon papa sait mieux que vous, il travaille à l’hôpital. » Sans un mot, l’automobiliste ramène illico la gamine en haut de sa rue. Mais elle se confie aussitôt à son père qui dépose plainte à la police et signale la 2 CV verte de l’agresseur. C’est ainsi que Michel Fourniret est identifié et doit se rendre au commissariat. Annette se sent « tellement choquée » qu’elle décide tout de suite de se séparer de son mari « pour protéger [son] fils. Je savais que ce genre de problème se réitérerait dans le temps. » Elle n’a pas tort.
Déjà, Michel Fourniret minimise son acte, évoque une « dépression » suivie de « voyeurisme » et, pour la première fois, sa quête de la virginité. Il explique alors : « Ignorant ce qui caractérise la virginité, j’avais tenté de voir la réponse auprès d’une enfant. » Cet attentat à la pudeur lui vaut huit mois d’emprisonnement avec sursis. C’est la première chute du chasseur, à 24 ans.
Le délinquant sexuel s’expatrie alors dans le Berry en 1967. Son patron, Georges Catoire, qui monte un gros atelier à Martizay, dans l’Indre, réembauche le minutieux Michel Fourniret. Le « môme » ardennais, comme l’appellent ses collègues, ne compte pas ses heures pour dessiner, usiner et terminer une pièce de voiture ou d’avion. Habillé d’une blouse, coiffé d’une casquette et chaussé de brodequins, le jeune ouvrier aux cheveux ras très noirs habite seul dans une maison à l’écart du bourg et ne fréquente pas le bistrot. Il se réfugie dans la lecture et les sonates de Bach. Il se promène avec sa chienne boxer. Il fait ses courses de célibataire chez l’épicière Louisette, âgée de 30 ans, qui a le béguin pour ce garçon bien élevé et galant, mais il la trouve trop vieille pour lui et repousse ses avances : « Je n’aime que les vierges ! » Il jette son dévolu sur une plus jeune aux longues nattes brunes, Solange, 20 ans qui sort du pensionnat. C’est la fille du menuisier. Pour la voir plus souvent, Michel Fourniret entreprend de faire construire une niche pour son chien et revient sans cesse chez le menuisier avec des nouveaux plans. Un jour, sur l’un d’eux, il a retranscrit pour Solange un poème d’Aragon, Il n’y a pas d’amour heureux. Selon le livre de Roger Maudhuy, qui a interviewé Solange, Michel lui a alors glissé « avec un drôle de regard, qu’il aimait son boxer, une femelle, comme il aimerait une femme ». Elle le sent « différent des autres garçons, secret, mystérieux », mais elle préfère sortir en boîte avec des copains plus drôles. Puis Solange est partie à Paris.
Sujet à des insomnies, Michel Fourniret multiplie les virées nocturnes avec son boxer à bord de sa Citroën ID 19. Il cambriole les maisons vides des Parisiens le long de la Claise, la rivière locale. Et puis un soir de 1968 – comme le révèlent dans un livre Fabienne Ausserre et Alain Hamon, journalistes de l’agence Credo spécialisés dans les faits divers, qui ont échangé des lettres avec l’intéressé –, Michel Fourniret sort d’une séance de cinéma où il a vu La Guerre des boutons et remarque une fille à la peau pâle qui monte dans une voiture. Il la suit au volant de sa Citroën, sur une départementale, dans la nuit. Il la dépasse puis se rabat. À son tour, la conductrice veut le doubler mais Fourniret l’en empêche, se met en travers de la route, et provoque un accident. La voiture de la fille se retrouve dans le fossé et l’homme de l’ID 19 s’enfuit sans lui porter secours. La victime ayant noté le numéro d’immatriculation du chauffard, les gendarmes sont venus lui passer les menottes. Fabienne Ausserre et Alain Hamon, les auteurs du livre, ont retrouvé la trace d’une hospitalisation de Michel Fourniret dans une clinique psychiatrique à Pont-Chrétien-Chabenet, dans l’Indre, pendant plusieurs semaines après cet accident de la route. Après « un traitement à l’insuline », selon Fourniret, et une initiation au jeu d’échecs, il en ressort sans plus de soins et retrouve sa chienne Douchka chez son collègue Roger, qui le croyait en prison. Il postule alors comme gardien de phare mais reçoit une réponse négative. Il projette de s’exiler en Amérique latine, ou au Canada et, prétendument pour ne pas la laisser seule en France, donne la mort à sa bien-aimée Douchka. Si l’on en croit son ami Roger et sa femme, la fin du boxer ne s’est pas passée ainsi. Furieux que sa chienne ne lui obéisse pas, Michel Fourniret l’a abattue dans un accès de rage, d’un coup de fusil dans le crâne.
Finalement, ses rêves de voyages s’écroulent et son époque berrichonne s’achève. Le dessinateur industriel atterrit à Paris, dans un bureau d’études pour l’aéronautique. Il se dépeint comme « un juif errant de 23 à 27 ans », jusqu’à sa rencontre, en 1969, sur un quai de la gare de l’Est, avec Nicole, qui part en vacances dans ses Ardennes natales. Cette dessinatrice formée aux arts appliqués tombe à son tour sous le charme épistolaire de Michel, sans passion. Il lui dissimule son passé, prétend que sa première femme le trompait et qu’il est parti pour ça. Elle le croit. Il lui dit qu’il a séjourné dans une maison de repos après une dépression. Elle l’admet. Ils se marient en 1970. Ils ont un fils en 1971 et des jumelles en 1972. Ils restaurent une maison de famille appartenant à Nicole à Clairefontaine-en-Yvelines, et remboursent un crédit de 130 000 francs sur quinze ans. Selon Nicole – interrogée trois décennies plus tard par les juges –, « les berceaux des enfants sont à côté des brouettes de gravats ». « Tout allait bien » sauf « quand le ciel s’assombrissait d’un coup de colère ». Il a tendance « à provoquer certaines personnes pour les rabaisser et les humilier, j’en ai eu honte. Il était orgueilleux et voulait être dominant ». Un jour, Michel lui dit : « Toi, je ne te posséderai jamais entièrement. »
En famille, Michel Fourniret n’est pas très joueur avec ses enfants mais peut leur faire plaisir en « rapportant quatre cornets de glace de la ville voisine d’une main en conduisant de l’autre, tout était fondu ». Il les éduque avec autorité. Sa fille Anne se souvient des règles strictes imposées lors des repas : « Il fallait lever le doigt pour parler, poser les mains et non pas les coudes sur la table, et ne jamais parler pour ne rien dire. » Celui qui désobéit est puni, au coin ou avec une serviette sur la tête pour garder le nez dans son assiette. Anne, qui a chipé des bonbons dans la voiture de son père, a été attachée à la niche du chien pendant trois heures. Selon Nicole, Michel Fourniret se montre toutefois bien plus « affectueux avec ses deux filles » qu’avec son fils aîné, Nicolas, perçu comme un « rival ». Il lui reproche durement de ne « pas avoir les mêmes mains de travailleur que lui ». Il le rabroue et le rabaisse. Pour sa seconde épouse, « Nicolas a voulu prouver qu’avec ses mains fines, il pouvait y arriver. Il a choisi de travailler dans la nature avec ses mains comme exploitant du bois. En 1995, il sera happé par une machine ». Déchiqueté à 24 ans pour avoir voulu ressembler à son père qui, selon Nicole, tente le soir de la mort de son fils « de dormir sur le paillasson comme le chien pour se mortifier ».
Michel Fourniret monte en grade, le voilà chef de fabrication au bureau d’études. Certes consciencieux, intelligent et habile, le dessinateur industriel s’avère aussi très orgueilleux, prétentieux et imbu de lui-même, capable de refuser certaines tâches qui ne relèvent pas de son niveau et de mépriser ses subalternes. Il change trois fois d’entreprise où il a des ennuis à cause de gestes déplacés envers des femmes et finit par être licencié en 1978. Alors, il s’installe à son compte comme « artisan constructeur inventeur », selon son curriculum vitae personnel, à côté de sa demeure à Clairefontaine, et donne à son atelier le nom de sa parcelle à Floing, « La Jonquière ». Il trime parfois jour et nuit sur son projet de création d’une machine pour cordonniers avec 40 000 francs prêtés par le Rotary Club, et met au point ce banc de finissage de chaussures révolutionnaire. Mais son prototype ne trouve pas acheteur. Et les 5 000 francs de salaire qu’il se verse ne suffisent pas à rembourser les crédits et à alimenter sa famille.
En ce début des années 1980, le père de famille estimé et créateur de génie commence à mener une vie parallèle. Il traîne sur les routes de la région parisienne à la recherche de nouveaux clients, prétend-il. Le vieux pistolet 6,35 mm de son beau-père dans la boîte à gants, il embarque des jeunes filles à bord de la 504 familiale.
Un soir de 1982, il s’arrête à la hauteur de Sandrine, 15 ans, qui fait de l’autostop à la sortie d’un lycée du côté de Versailles. Sitôt la ceinture de sécurité de l’adolescente bouclée, le conducteur exhibe un pistolet, brandit une fiole et la prévient : « Attention, c’est du vitriol ! » La jeune fille est terrorisée par la menace d’être défigurée. Il lui attache une main au levier du frein à main et l’emmène dans une forêt. Fourniret lui parle d’amour et de virginité. Il lui explique qu’il cherche une vierge « pour connaître ce qu’il n’avait pas connu avec sa première femme ». Il commence à déboutonner le pantalon de l’adolescente, qui ne cesse de parler. Elle lui dit qu’elle aimerait se marier vierge. Tente de l’amadouer. L’argument de la « pauvre gamine », selon ses mots, fait mouche. Fourniret remonte les sièges de la voiture, démarre, roule, jette son flacon par la fenêtre, lui promet de ne plus jamais recommencer. Puis il dépose Sandrine au pont de Neuilly. « Je l’ai cru, qu’il allait se résigner à arrêter. Et je n’en ai parlé à personne car il ne m’avait pas touchée physiquement. »
Je vais vous laisser là. Pour éviter de passer pour ma complice, nous allons faire un simulacre de viol.
Michel Fourniret ne supporte pas qu’un autre homme puisse approcher ses filles, alors âgées de 10 ans. Ainsi, Marie-Hélène n’a pas oublié la fois où, accompagnée de sa jumelle Anne, elles ont vu leur père s’emporter, « furieux après un monsieur qui nous avaient accostées sur le trottoir après avoir arrêté sa voiture ». Mais lui continue ses virées en break pour capturer des adolescentes. Ainsi, le soir du 4 septembre 1982, Michel Fourniret recommence avec un nouveau flacon qu’il plaque sur la gorge de Dahina, 14 ans, non loin de la gare d’Épernon (Eure-et-Loir) : « C’est du vitriol ! », annonce encore l’agresseur. Cette fois-ci, il peaufine son scénario. Il raconte qu’il est un fugitif poursuivi par la police : « Je vous prends en otage, et je vous libère aux limites du département. Si vous ne bougez pas, je ne vous ferai pas de mal. » Bien plus tard, il expliquera avoir construit ce scénario par fascination pour les bandits : « J’ai voulu me placer dans la peau d’un personnage dénué de scrupules qui n’était pas moi, d’un hors-la-loi. » Il embarque la collégienne à bord de sa grosse bagnole et parle « comme un instituteur », confiera Dahina. Il monologue. Il explique à l’adolescente qu’il a été élevé dans une famille pieuse, qu’il a étudié le droit, qu’il a tenu une usine puis a fait faillite. Elle note qu’il répète souvent les mots « asocial » et « Dieu ». À elle aussi, l’homme explique qu’il était vierge quand il s’est marié, très jeune, mais qu’il a été « cruellement déçu car sa femme ne l’était pas ». Dahina prétend qu’elle a déjà fait l’amour. Il s’arrête dans un champ : « Je vais vous laisser là. Pour éviter de passer pour ma complice, nous allons faire un simulacre de viol. » Il l’attache avec une corde et commence à la violer, sans un mot. La jeune fille lui crie dessus : « Vous pourriez avoir une fille de mon âge, je n’ai que 14 ans ! » Il rétorque, cassant : « Non, vous n’avez pas 14 ans. » Puis le voilà qui se met à pleurer, à lui demander pardon. Il la supplie de ne pas déposer plainte et la ramène chez elle. Elle se confie à sa mère et se rend au commissariat.
Au fil de cette « quête de pureté » qui ne fait que commencer, Michel Fourniret tombe le 23 mars 1984 sur une nouvelle proie, Catherine, 20 ans. Il accoste la jeune femme alors qu’elle se dirige vers sa R5 sur un parking de supermarché à Ormoy, dans l’Essonne. L’air affolé, il lui demande de le transporter jusqu’à l’autoroute Paris-Lyon. Elle cède. Puis, sous la menace de son calibre 6,35 mm et de sa fiole de vitriol, il l’oblige à bifurquer sur un chemin de terre et à s’arrêter à côté d’un bosquet. Il exige qu’elle se déshabille et veut savoir si elle est vierge. Elle insiste pour qu’il pose son arme à feu et en profite pour tenter de s’enfuir. Il la rattrape, mais elle réussit à le calmer. Il abandonne. Elle reprend le volant puis le prie de descendre à un carrefour. Elle fonce chez elle et raconte l’attaque qu’elle vient de subir à son concubin, policier. Tous les deux se lancent à la recherche de l’agresseur, qu’ils interpellent au bord d’une route.
À la gendarmerie de Mennecy, Michel Fourniret avoue quinze agressions sexuelles sur des mineures, entre 1977 et 1984, en région parisienne. Il est expédié en prison, à Fleury-Mérogis. Lui qui jouait au bandit sur les routes à bord de sa 504 break en quête de jeunes filles vierges, bouteille de faux vitriol et vieux pistolet 6,35 mm en main, se retrouve en cellule avec de véritables braqueurs.
Mis à jour le 10 mai 2021 à 16 h 25. Michel Fourniret est mort ce lundi 10 mai à l’âge de 79 ans, a annoncé à l’Agence France Presse le procureur de Paris Rémy Heitz. Il était hospitalisé depuis le 28 avril dernier à l’Unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) de la Pitié-Salpétrière à Paris, a précisé Rémy Heitz qui indique qu’une enquête a été ouverte pour “recherches des causes de la mort” ». En novembre dernier, Fourniret avait fait un malaise cardiaque dans sa cellule et selon « Le Parisien », ses avocats avaient présenté une demande de sursis sur la foi d’un certificat médical attestant qu’il souffrait de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé. Les recherches entreprises récemment pour retrouver le corps d’Estelle Mouzin, dont il avait fini par avouer le meurtre, dénoncé par son ancien compagne Monique Olivier, n’ont rien donné.