Depuis qu’ils ont raflé le trésor du gang des postiches en doublant l’« ami » et ancien compagnon de cellule de Michel et en envoyant sa femme Farida Hammiche ad padres, les Fourniret sont richissimes (lire l’épisode précédent, « Farida Hammiche, morte avant l’or »). Régulièrement, ils déterrent dans le jardin de leur modeste parcelle de Floing, à côté de Sedan dans les Ardennes, des stocks de pièces et de lingots. Ils les ont baptisés « les petits » et les maternent plus que leur fils Sélim, venu au monde le 9 septembre 1988, quelques mois après l’assassinat de Farida et le vol du magot. Michel Fourniret se renseigne souvent par téléphone sur le cours de l’or auprès du numismate belge Isodore Langman. Il choisit le meilleur moment pour convertir une partie de sa progéniture en billets de banque. Le couple fonce alors à Bruxelles, avec Sélim à l’arrière dans son couffin, pour changer les barres d’un kilo, les napoléons, dollars américains, livres anglaises et pesos mexicains chez monsieur Langman, et parfois au Luxembourg, chez un autre numismate. Au retour, les liasses de cash en francs sont soigneusement emmaillotées et confiées à la terre nourricière de la propriété ardennaise.
Toutefois, contrairement aux anciens propriétaires de ce magot – les braqueurs flambeurs du gang des postiches –, les Fourniret ne sont pas du genre à dépenser sans compter. Le criminel et son âme damnée continuent à vivre chichement, misérablement même, comme me l’avait confié quelques années plus tard leurs voisins, Jocelyne et Gérard Cadé. À l’automne 1988, les Fourniret campent en effet dans une caravane au fond de leur parcelle, le temps que Michel finisse les travaux de leur petite bicoque. Ils ont des rythmes totalement opposés. Monique passe son temps « à ne rien faire » alors que Michel s’active inlassablement. Pour rénover sa ruine, Fourniret charrie de lourdes pierres, monte des murs de parpaing, maçonne et terrasse. Il construit un clapier pour les lapins offerts par le voisin. Il plante des semis donnés par Gérard, aligne au cordeau des rangs de légumes dans son potager destiné à mettre du beurre dans les épinards. « Ça le prenait parfois à onze heures et demie du soir de repiquer ses choux ou ses carottes dans son jardin avec son halogène ou de creuser à la tractopelle pour mettre le tout-à-l’égout. Son terrain, c’est un gruyère », observe Jocelyne Cadé. Après-coup, certains travaux lui donneront des sueurs froides :