Un film de Raymond Depardon est toujours une expérience. Expérience pour le spectateur qui vit intensément les moments du réel que le cinéaste documentariste scrute avec vérité. Expérience pour les acteurs de la vie qui prennent une place prépondérante. Raymond Depardon laisse l’espace et le temps se dérouler pour que les histoires se racontent.
12 jours, en salles le 29 novembre prochain, est une immersion dans l’univers psychiatrique. Après San Clemente en Italie en 1980 ou Urgences en 1987 – sur les urgences psychiatriques de l’hôpital parisien de l’Hôtel-Dieu –, Raymond Depardon est retourné se confronter à l’enfermement. Il construit un nouveau volet de l’observation de la prise en charge de la folie dans nos sociétés.
Ici, pas de déambulation au milieu des patients comme dans San Clemente ou Urgences. Tourné à l’hôpital Le Vinatier à Lyon, le réalisateur impose un dispositif qui laisse la parole se déployer dans la confrontation du patient qui s’est vu contraindre à un internement et le juge qui doit décider de sa situation. Depuis 2013, la loi oblige les psychiatres à soumettre au juge des libertés, douze jours maximum après la date de l’internement, leurs décisions concernant les hospitalisations sous contrainte. La justice entre donc dans l’hôpital pour mener des audiences dites « foraines », les juges se déplaçant auprès des patients. C’est dans ce face-à-face entre le patient et le juge que le film se déroule. Une institution face une autre. La justice face à l’hôpital. Des êtres humains face à d’autres. Le patient face au juge. Des caméras fixes sur chacun des personnages de cette conversation tragique, une femme arrivée en crise après un burn-out, des hommes qui entendent des voix, une jeune fille qui a tenté de se suicider et veut recommencer. Des travellings lents sur les couloirs et les zones extérieures, des cadres qui n’ont que l’apparence de la simplicité. La caméra de Raymond Depardon ne se cache pas mais garde une distance éthique face aux patients et à leurs histoires personnelles. Les moments de crise sont laissés hors champ pour nous permettre de plonger dans ces visages et d’écouter attentivement les dialogues.

Interview : Sébastien Calvet. Son : Jeanne Boezec. Musique originale : Alexandre Desplat, dirigée par Dominique « Solrey » Lemonnier. © Palmeraie et désert/France 2 Cinéma/Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma.
Le film est un croisement dans l’œuvre du documentariste. Attiré par les institutions et leur composantes totalitaires, Raymond Depardon filme ici la confrontation entre la psychiatrie et la justice. Une justice qu’il avait déjà filmée dans Délits flagrants en 1994 ou 10e chambre, instants d’audience en 2004.
Le réalisateur a accordé aux Jours un long entretien – dont la première partie est à écouter ci-dessus – dans lequel il revient sur la place de 12 jours dans sa filmographie. L’importance de son regard sur les institutions, la psychiatrie, l’enfermement, des notions sur lesquelles il a travaillé en tant que cinéaste, mais qu’il a aussi documentées en tant que photographe lors de séjours en prison pour des reportages. Il explique aussi la place de son travail avec Claudine Nougaret, productrice et créatrice du système de prise de son. Celui-ci permet, en disséminant de nombreux micros dans la pièce, de recueillir au plus près la parole des personnages sans utiliser de micros-cravates. Fidèle à la tradition du cinéma direct, les films de Raymond Depardon n’intègrent aucun commentaire. C’est la séquence qui permet la compréhension du moment. C’est ici la voix du documentariste qui nous accompagne dans la compréhension des films et de sa méthode de travail. Une découverte en huit jours et huit épisodes.
Découvrez ci-dessous la bande-annonce de 12 jours, en salles le 29 novembre. La suite de cet entretien dès demain.