Des mots fléchés qui trainent, une grand-mère toute seule dans son appartement qui semble parler à la photo de son mari décédé, et tadam ! Un jeune facteur tout sourire apparaît et se révèle être l’interlocuteur de la mamie finalement pas si zinzin. Vous souvenez-vous de cette publicité diffusée en 2017 lors du lancement de « Veiller sur mes parents », le service – payant – de La Poste proposant aux personnes âgées de recevoir la visite régulière de leur facteur et d’ensuite informer leurs enfants ? Non ? Alors, vous vous rappelez peut-être de la polémique qui a suivi. Un concert d’indignations : « Marchandiser le lien social, quelle horreur ! », « Avant, les facteurs faisaient ça gratuitement », « Quel symbole de cette époque où on laisse les vieux seuls ! », lisait-on ici ou là. Mais la direction de La Poste n’en avait cure. Elle présentait cette offre comme le symbole de sa nouvelle stratégie visant à proposer des services aux personnes âgées, pour faire face au déclin de la distribution de courrier (dont l’activité a diminué d’un tiers en dix ans).
Dix-huit mois après le lancement de ce service controversé, quel bilan peut-on en tirer ? Eh bien, ce n’est pas fameux. Pour reprendre une vieille expression digne d’un président de TF1, on peut même parler de « catastrophe industrielle ». À la date du 31 mai 2018 (soit un an après le lancement du service), seulement 3 251 contrats « Veiller sur mes parents » étaient actifs, selon un document interne à l’entreprise que Les Jours se sont procuré. Ce qui a représenté – toujours selon le même document – un chiffre d’affaires semestriel de seulement 350 000 euros, un montant digne d’une PME et pas d’une entreprise de 250 000 employés. Les résultats apparaissent encore plus ridicules quand on les détaille région par région. La Nouvelle-Aquitaine est ainsi en tête des souscriptions, avec 525 contrats signés au 31 mai 2018, devant Auvergne-Rhône-Alpes (306 contrats) et Bretagne (295). Et si on prend Paris, on arrive à 43 abonnements souscrits sur douze mois. Un nombre là franchement epsilonesque.

Interrogée, la direction de La Poste n’a pas la même vision. « C’est un service qui prend du temps à s’installer, mais nous en sommes très satisfaits, m’a expliqué Éric Baudrillard, président du service « Veiller sur mes parents ».