À Longyearbyen (Norvège)
«Nous entamons notre descente vers Longyearbyen. Il fait seulement -19°C, sortez les crèmes solaires ! » Le pilote du petit avion qui nous conduit droit vers la capitale du Svalbard éclate de rire. Il est bientôt 13 heures et sur le pôle, il fait nuit comme dans une mine de charbon. Il y a une heure, en passant le cercle arctique, nous avons laissé le soleil derrière nous. Il a disparu par magie derrière l’aile et dans un éclat orangé. Plus un rayon avant une semaine et notre retour en France
Voilà un an presque jour pour jour qu’avec la photographe Axelle de Russé, nous n’avons plus remis les pieds sur le tarmac de l’aéroport le plus septentrional du monde. En décembre 2018, nous assistions ici à une simulation de crash d’avion (lire l’épisode 6, « Au pôle Nord, apocalypse next ») avec Anders Haugerud, Torunn Sørensen et Hilde Rosvik, respectivement policier, diacre et rédactrice en chef du journal « le plus au nord du monde »
Rassurant, l’ours polaire empaillé surplombant le tapis roulant des bagages est toujours là. Les immenses baies vitrées de l’aéroport donnent sur l’obscurité éclairée par les phares du bus qui attend d’emporter les voyageurs emmitouflés jusqu’aux dents. Plus que les autres, cette saison est glaciale. Depuis que nous parcourons par intermittence depuis trois ans le caillou glacé, nous n’avons jamais eu si froid. Un froid intense et pénétrant qui traverse les couches des vêtements comme du beurre, brûle les visages et cisaille les doigts
Depuis quelques jours, les températures dégringolent sur le pôle : -14°C, -20°C, -25°C… Fin novembre, l’Institut météorologique de Norvège constatait même une densification de la couche de glace formée autour de l’archipel du Svalbard. Une première depuis de nombreuses années pour l’endroit qui se réchauffe le plus vite de la Terre. Kim Holmén, le très respecté directeur du Norwegian Polar Institute au bonnet rose fluo, explique qu’il s’agit seulement d’une conséquence du changement de la direction du vent : « Cette année, les vents viennent de l’est, la glace qui se trouve en ce moment autour du Svalbard arrive de l’archipel François-Joseph [dans l’extrême nord de la Russie, ndlr]. »

En dépit de l’épaisse couche de glace qui s’est formée, Longyearbyen chauffe donc toujours plus vite que l’ensemble de la planète.