Des pylônes grisâtres supportent des blocs de béton cubiques longilignes et donnent sur un bâtiment aux murs blancs. Situé en plein cœur de Mexico, le « C5 »
Onze ans après son arrivée en Amérique centrale, la multinationale dit avoir accompli sa mission. Elle le promet sur son site : Mexico est une ville plus sûre. Entre 2009 et 2016, le taux de criminalité aurait diminué de 56 %, le vol de véhicules de 58 % et le délai moyen d’intervention de la police serait passé de douze minutes à un peu plus de deux minutes. Des chiffres largement contestés, pour un dispositif aussi coûteux pour le contribuable mexicain que pour les libertés individuelles.

Revenons en 2009. Associé au géant des télécoms mexicain Telmex, Thales remporte l’appel à projets « Ciudad Segura » (« ville sûre ») lancé par la municipalité. Le dispositif, doté d’un pharaonique budget de 460 millions de dollars, est impulsé par le maire Marcelo Ebrard. Le leader du Parti de la révolution démocratique mexicain est un convaincu de l’efficacité de la vidéosurveillance. Chef de la police de Mexico de 2002 à 2004, il a activement contribué à l’installation des premières caméras dans le centre historique de la ville, inspiré par ses voyages à Los Angeles ou Londres, pionnières de la vidéoprotection. En octobre 2011, le maire inaugure en personne le C5, centre névralgique de la ville sécuritaire imaginée par Thales.
« Les trois dernières administrations ont fait de l’installation de caméras de surveillance à Mexico l’une de leurs principales politiques contre la criminalité. La municipalité actuelle cherche à doubler leur nombre et exécute un programme pilote de surveillance par reconnaissance faciale sur le marché principal de la ville. Il pourrait être étendu à d’autres secteurs », s’inquiète Santiago Narváez, chercheur spécialisé dans la surveillance à Red en Defensa de los Derechos Digitales (R3D), principale association de défense des libertés numériques mexicaine.