Le 2 septembre 2004, à 19 h 30 heure de Washington, Bob Shrum, directeur de campagne de John Kerry, candidat démocrate à la présidence, en est certain. Les sondages sortie des urnes (les « exit polls » en VO) ne peuvent mentir. Son poulain est en tête dans tous les États-clés, en particulier dans l’Ohio, contre le Président sortant George W. Bush, déjà embourbé dans sa guerre d’Irak. Shrum, grisé par la fatigue d’une fin de campagne, se lance alors face à Kerry et son équipe : « Dois-je être le premier à vous appeler monsieur le Président ? » Sauf que les sondages sortie des urnes ont tout faux. Et quelques heures plus tard, Shrum n’a plus que ses yeux pour pleurer une défaite nette de John Kerry, bien plus rapide que ne l’annonçaient des sondages préélectoraux très serrés. Cette anecdote véridique aurait dû être méditée par l’ensemble de la presse américaine et internationale, qui s’est livrée durant les derniers jours de l’affrontement entre Donald Trump et Kamala Harris à une orgie de surinterprétation des sondages d’opinion pour y déceler une éventuelle tendance annonçant le résultat final.
C’est ainsi qu’une partie de ce week-end d’avant l’élection est consacrée au commentaire à l’infini d’une seule étude d’opinion portant sur le minuscule État de l’Iowa. L’institut de sondage Selzer, dirigée par une politiste très réputée et respectée, Ann Selzer, y