Il y a un mois, Thelma Linet, 49 ans, a ouvert son nouveau cabinet médical, à Paris. Un lieu plus cosy et plus adapté aux personnes qu’elle reçoit. « Je m’installe avec une médecin généraliste. Dans mon précédent cabinet, nous n’étions que des gynécologues et je sais que cela pouvait être compliqué pour certains hommes trans dans la salle d’attente, puisque ça les outait de fait. » Installée depuis un an en libéral, son nom a vite été ajouté aux listes de médecins « trans-friendly ». « Dans mon cabinet, beaucoup de personnes pleurent face à moi parce que ça change leur vie d’être écoutées, entendues et considérées », reconnaît avec une certaine pudeur la gynécologue et femme trans, qui est également autrice. Refus de soins, fétichisation, violences physiques ou morales : en France, la moitié des personnes trans disent avoir été victimes de transphobie au cours d’un rendez-vous médical, selon une enquête réalisée en 2021. 78 % d’entre elles expliquaient en 2018 être mal à l’aise dans leur parcours de soins à cause des discriminations, révélait un colloque. Pour cette enquête, Les Jours ont recueilli plus d’une vingtaine de témoignages de violences lors de rendez-vous médicaux.
Loup, 31 ans, décrit ainsi sa sidération quand il s’est retrouvé face à une endocrinologue qui voulait le déshabiller par « curiosité pour voir comment était fait [s]on corps ». Agathe, 29 ans, a, elle, dû chercher un nouveau généraliste après lui avoir fait son coming out. Alicia, 25 ans, redoute à chaque nouveau rendez-vous avec son psy que tout ne tourne qu’autour de sa transidentité. Eddy, 40 ans, a dû s’opposer à un gynécologue qui voulait lui poser un stérilet de force. Élisa, 58 ans, a dû abandonner sa carrière de psychiatre à l’hôpital public quand elle a entamé sa transition. « C’est pas possible de devoir faire attention en permanence », lâche Loup. Lui explique avoir renoncé plusieurs fois à des soins à cause de la peur de la réaction des médecins, de leur volonté de voir son corps, de la fétichisation mais aussi du manque de compétences de certain·e·s ou de leurs incompréhensions.
« C’est pour limiter au maximum les violences que nous avons des listes de médecins trans-friendly, souligne l’autrice Jena Pham Selle (lire l’épisode 2, « ”Pour la première fois de ma vie, je me sens vraiment moi” »). Moi, je m’estime plutôt chanceuse parce que je me suis toujours tournée vers des médecins recommandé·e·s par la communauté trans. Sauf une fois où j’ai pris rendez-vous avec un endocrino au hasard. Et dès les premières secondes, ça s’est extrêmement mal passé. Il m’a dit qu’il ne faisait pas “les gens comme moi” et qu’il fallait que je me fasse soigner. » En 2021, l’association OUTrans a réalisé un testing à Paris auprès des endocrinologues, médecins spécialistes des hormones (grossesse, infertilité, transition hormonale, etc.).