ExxonMobil, Coca-Cola et Ferrero n’ont pas de chance. C’est sur leurs déchets que je suis tombé en fouillant depuis plusieurs mois les plages du Havre et en longeant la Seine. C’est donc ces boîtes que j’ai contactées en disant : « Coucou, votre nom est écrit sur des déchets qui souillent l’environnement, on fait comment ? » Ces entreprises dont les bénéfices se comptent en milliards d’euros avaient visiblement beaucoup mieux à faire que de répondre à ce genre de questions. Elles ont mis en général plusieurs semaines à « revenir vers moi », comme on dit dans le milieu. Mais je suis content d’avoir insisté, puisque leurs réponses sont très révélatrices.
Elles peuvent se ranger en deux catégories. La première, qu’on appellera « Pardon, on n’a pas fait exprès, ça n’arrivera plus ». La seconde, celle des moins bons élèves, qu’on nommera « C’est pas notre faute ». Dans la première catégorie, on peut mettre la multinationale pharmaceutique Baxter, qui a découvert grâce à notre enquête que ses poches de dialyse finissent parfois dans la Seine, et qui s’est engagée à alerter ses clients (lire l’épisode 9, « Fleuve sans filtre »). Dans la seconde, notre chouchou est à coup sûr le superbe élément de langage et le sens de la métaphore du directeur général pour l’Europe de l’Ouest du lobby du plastique PlasticsEurope, Michel Loubry, qui justifiait ainsi les tonnes de granulés qui finissent dans la Seine : « C’est un peu comme quand vous faites un gâteau et que vous faites tomber un tout petit peu de farine sur le sol » (lire l’épisode 8, « Total et ExxonMobil vomissent de la bille »).
Aucune de ces entreprises n’a cependant jamais répondu : « Ok, on assume, on va nettoyer. » Aucune n’a même pensé à me demander de localiser précisément ses produits, pour pouvoir envoyer quelqu’un ramasser. C’est un peu comme si vous faisiez remarquer à votre conjoint(e) que ses mégots et ses cendres sont répandus par terre dans le salon et qu’il/elle répondait, l’air sincèrement contrit : « Flûte, j’avais pourtant écrasé mes clopes comme il faut dans le cendrier. Il a dû se renverser, c’est ballot, je le regrette. Allez, je file, bisous. » Depuis la fin des années 1970, les producteurs ont pourtant en principe la responsabilité de prévoir la fin de vie de leurs produits, ce qu’ils font le plus souvent de façon très indirecte en cofinançant une filière de recyclage.