Mon travail de fouille-merde a commencé au Havre, quand j’ai trouvé il y a quelques mois, sous les falaises-poubelles de Dollemard, des pierres tombales et de vieux bouchons balancés là il y a plusieurs décennies. Pendant des semaines, j’ai cherché des indices, à travers l’espace et à travers le temps, pour raconter leur histoire. Persuadé que les déchets que l’on trouve dans la nature ont beaucoup de choses à dire sur notre façon de consommer et de vivre, j’ai tenté ensuite de faire parler d’autres détritus, ramassés sur les plages du Havre puis en remontant le long de la Seine. Il y avait des granulés de plastique issus des usines du coin (lire l’épisode 8, « Total et ExxonMobil vomissent de la bille »), des petits camemberts de stations d’épuration (lire l’épisode 10, « La Seine vous présente son eau de toilettes »), pas mal de tas de débris venus de chantiers et même des poches de dialyse. Sans oublier la quantité impressionnante d’emballages plastique, allant de la bouteille de Coca (lire l’épisode 3, « Coca, zéro sur les déchets ») à l’insidieux film qui entoure les paquets de clopes. Tiens, en parlant de clopes, j’ai vu plein de mégots aussi (lire l’épisode 9, « Fleuve sans filtre »).
En marchant ou en roulant à vélo à la recherche de ces déchets, on a le temps de se poser pas mal de questions. Dans ma tête, ça tournait en boucle. Quelle folie peut expliquer qu’une bouteille, qui a transporté du Coca pendant quelques semaines à peine, va se fragmenter dans les océans pendant des siècles ? À qui la faute ? À quoi ressemble une vie dans un environnement rempli de déchets ? En juillet, une étude menée par un chercheur de l’université de Santa Barbara (Californie) donnait ces chiffres : huit milliards de tonnes de plastique ont été produites dans l’histoire de l’humanité. La moitié sur les seules treize dernières années. Près de 80 % ont été au mieux mis en décharge, plus ou moins correctement, ou au pire balancés directement dans la nature. Où sont-ils maintenant ? Dans les fameux « septième » ou « huitième » continents de plastique flottants sur nos océans, dont on entend parler depuis la fin des années 1990 ?
Non, parce que ces continents n’existent pas. C’est une métaphore, inventée par le capitaine Moore, qui a permis de populariser le problème des déchets marins.