Après m’être fait la main sur des bouchons (lire l’épisode 4, « Dollemard et le mystère des bouchons en plastique »), il est maintenant temps de percer le mystère des déchets les plus inattendus de la plage-poubelle du Havre. Comment les pierres tombales des familles James et Bouissonnie ont-elles pu finir sur la plage ? Jolie mise en abîme, tout de même, que d’enquêter sur l’histoire de vieilles tombes au cœur de cette obsession consacrée à la généalogie de nos vieux déchets oubliés (lire l’épisode 1, « Enquête à la décharge »). En revanche, contrairement à ce que je pensais, la meilleure solution pour démarrer n’était pas de contacter tous les homonymes locaux des défunts. Mea culpa.
Les archives municipales m’ont encore bien aidé sur ce coup-là (lire l’épisode 2, « Un vide-ordures sur la mer »), en me laissant consulter leur registre des cimetières. Selon ce document, les personnes dont les pierres tombales sont recouvertes par la marée deux fois par jour sont officiellement toujours inhumées dans une concession perpétuelle du cimetière Sainte-Marie, dans le centre du Havre. Au milieu de ce cimetière verdoyant, sur des pierres tombales toutes neuves posées sur des socles tout vieux, apparaissent effectivement les noms James et Bouissonnie, repérés sur les tombes au pied de la falaise. Contactés à plusieurs reprises, les services du cimetière sont incapables de donner une explication au vagabondage de ces pierre tombales. Pendant ma visite, j’ai pourtant vu une entreprise qui chargeait d’anciennes tombes pour… les mener dans une décharge. À une époque encore récente, les déchets du cimetière, c’était à la falaise. Et sûrement pas seulement pour les tombes : on trouve beaucoup de vieilles fleurs en plastique sur la plage au pied des falaises de Dollemard, un genre d’objet qu’on ne voit pratiquement que dans les cimetières.
Finalement, ils s’en sortent bien, nos amis des familles James et Bouissonnie. Dans le documentaire complètement fou Super Trash, sorti en 2013, le réalisateur Martin Esposito tombait sur de vieux cercueils en fin de concession venant d’être jetés à la décharge de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes). Des planches, on voyait sortir des cheveux, des os et de la chaux.
Auguste Armand James est né au Havre le 19 avril 1872, l’année de la fondation de la Compagnie de navigation française à vapeur des “Chargeurs réunis”, où il a été longtemps employé.
On en était là quand Florence, abonnée des Jours, nous a écrit ce mystérieux message (et s’est hissée par la même occasion tout en haut de notre classement de nos lecteurs généalogistes préférés) : « Auguste Armand James (en Normandie, on prononce le A à la française et pas le S) est né au Havre le 19 avril 1872, l’année de la fondation de la Compagnie de navigation française à vapeur des “Chargeurs réunis”, où il a été longtemps employé, comme commis au départ puis probablement comme comptable. Il était titulaire du certificat d’études, mesurait 1,66 m, avait les yeux gris-bleu, les cheveux bruns et a eu au moins deux enfants, Yvonne et Jacques. »