L’hémicycle est plein. Quelques sénateurs lisent la une du Monde consacrée aux comptes offshore de proches de Marine Le Pen. D’autres consultent discrètement téléphone ou tablette. Mais la plupart sont attentifs pour cette dernière discussion sur le projet de loi sur la lutte contre le terrorisme, après trois journées et soirées dédiées à l’examen des articles, la semaine dernière. Le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas prend le micro. Le vote solennel vient de se terminer. 299 sénateurs ont approuvé le projet de loi du gouvernement dont l’intitulé exact est « lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale », dans une version plus sévère que celle adoptée à l’Assemblée. 29 ont voté contre, tout le groupe communiste et huit des dix écologistes. Nous nous sommes opposés à l’état d’urgence, nous ne pouvons voter un texte qui introduit dans la loi certains de ses principes
, a expliqué la sénatrice EELV Esther Benbassa qui, avant son intervention en séance, était allée faire un petit tour à un rassemblement qui réclamait, devant le jardin du Luxembourg, la fin de l’état d’urgence.
Jean-Jacques Urvoas remercie le Sénat pour l’écoute
et le président de la commission des Lois pour son attention bienveillante
; il relève un climat d’unité
, malgré quelques désaccords
. Et espère que cela continuera en commission mixte paritaire qui doit faire les derniers arbitrages. Il est applaudi, y compris parfois sur les bancs de la droite.

Le projet de loi avait été défendu à l’Assemblée nationale après les attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis (lire l’épisode 30, « Antiterrorisme, l’urgence pour tous »). Au Sénat, le voici présenté une semaine après ceux de Bruxelles du 22 mars, et celui de Lahore, survenu la veille même. Les spectres des victimes flottent sous les plafonds dorés. Personne ne peut plus douter de cette dramatique réalité : le terrorisme est notre horizon quotidien
, a souligné le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas devant les sénateurs. Il n’a pas pris d’accents dramatiques, a parlé froid et ajouté tout de suite après : Voilà pourquoi il faut continuer à affiner et à maintenir performant notre dispositif français de lutte antiterroriste.
Pour assurer le public qu’il ne s’agit pas là d’une loi d’émotion, il a même commencé son discours en évoquant Alexandre le Grand qui avait l’habitude de réciter l’alphabet en entier, avant de prendre une décision
.
Avant la date du 26 mai qui clôture l’état d’urgence, ce texte pérennise des mesures d’exception, au nom de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme.