Quand Sophie a appris qu’il y avait eu des explosions à Bruxelles, elle rentrait juste dans le métro parisien. Elle a alors sorti un badge de « Life For Paris », le groupe de victimes des attentats du 13 Novembre qu’elle a rejoint, elle qui était attablée à la terrasse du café du Bataclan le soir des attaques. La fondatrice de l’association le lui avait donné quand elle était revenue sur les lieux ensanglantés (lire l’épisode 34, « L’arrestation d’Abdeslam ne libère pas Sophie »). Depuis, elle le gardait dans son sac comme un porte-bonheur
. Le 22 mars, le matin des attentats de Bruxelles qui ont fait au moins 31 morts et 200 blessés, elle l’a accroché à son sac pour s’en faire un bouclier
. Chacun s’invente des protections illusoires.
Dans le quartier du Bataclan où j’habite (lire l’épisode 1, « Vendredi ou la nuit sauvage »), comme ailleurs j’imagine, les attentats qui ont frappé le cœur de l’Europe, à l’aéroport et dans le métro de Bruxelles, fauchant des gens dans leurs vies ordinaires, ravivent les angoisses. Après ceux d’Istanbul en Turquie (lire l’épisode 7 de l’obsession La charnière, « Istanbul, jour d’attentat »,), Grand-Bassam en Côte d’Ivoire, Ouagadougou au Burkina Faso ou Bamako au Mali, ils nous rappellent que la menace est mondiale.
L’œil collé à mon téléphone, j’ai regardé toute la journée les fils d’info des journaux et Twitter dans une totale passivité. Ce jour-là, je n’ai pas réussi à écrire un article promis sur la loi El Khomri, pour l’obsession Politique, année zéro. Par politesse, aux Jours, j’ai souri à des blagues destinées à me distraire un instant de cette actualité.
Le soir, je glisse à mes enfants de 10 et 5 ans qu’il y a eu des explosions en Belgique. Je n’en dis pas plus, m’apprêtant à donner quelques précisions s’ils le souhaitent. Ils ne posent aucune question. Tuyen, un ami du quartier et père de copains de mes fils, m’appelle pour savoir si je leur en ai parlé. Lui n’a rien dit. Il n’est pas très expansif mais il me glisse que c’est dur, que les attentats en Belgique nous font tous replonger. Il dit aussi : Le pire est à venir.
Dans les semaines qui ont suivi les attentats du 13 Novembre, je me souviens qu’on disait dans le quartier les évènements
, depuis les évènements
, avec les évènements
. Ce n’était pas la peine de préciser.

Le lendemain matin des attentats de Bruxelles, encore oppressée, je m’apprête à accompagner les enfants à l’école.