Jugé cette semaine par la cour d’assises de Bobigny (Seine-Saint-Denis), ce fait divers vieux de quatre ans est venu percuter l’actualité post-attentats. Et notamment le débat sur la légitime défense dont Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, a prévu de modifier les règles.
Le 21 avril 2012, à Noisy-le-Sec, Damien Saboundjian, un policier de 36 ans, avait tué d’une balle dans le dos un homme armé en fuite, Amine Bentounsi. Trois ans plus tard, six jurés et trois magistrats ont tranché : l’accusé a bien tué Amine Bentounsi, mais il n’est pas pénalement responsable de sa mort.
On ne peut pas donner aux policiers un permis de tirer.
Depuis ses origines, cette affaire n’a cessé d’alimenter le débat sur la légitime défense des policiers. Au moment des faits, c’est Nicolas Sarkozy qui avait allumé la mèche. Relayant la colère des policiers furieux de la mise en examen de leur collègue pour « homicide volontaire », il reprend alors une idée de Marine Le Pen sur la présomption de légitime défense
. Six mois plus tôt, son ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, jugeait pourtant que les textes en vigueur représentaient un bon équilibre
et ajoutait : On ne peut pas donner aux policiers un permis de tirer.
A ce jour, l’article du code pénal définissant l’étendue de la légitime défense n’a pas bougé depuis 2012 et les annonces de campagne de Nicolas Sarkozy. Il s’applique aux agents de police comme aux particuliers : «N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.»
Mais la donne a changé et début novembre, Bernard Cazeneuve se dit prêt à réformer la légitime défense des policiers. Les attentats de Paris l’ont conforté dans cette idée d’étendre l’irresponsabilité pénale des policiers et gendarmes (les seconds bénéficiant déjà de conditions plus libérales). Il envisage des cas où l’usage de l’arme serait absolument nécessaire pour mettre hors d’état de nuire l’auteur d’un ou plusieurs homicides volontaires ou tentatives (…) dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu’il est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin de ces actes
. Typiquement, le cas du commissaire de la BAC qui a réussi à entrer dans le Bataclan pendant la prise d’otage et à tuer l’un des assaillants.