Jean-Jacques Urvoas n’a plus de circonscription mais des juridictions. Pour son premier déplacement dans un tribunal, il a choisi celui de Chartres (Eure-et-Loir), qui ressemble à ce qu’est aujourd’hui la justice
à ses yeux. L’équilibre fragile de ce petit palais de 32 magistrats reposerait, analyse le nouveau ministre, sur le seul engagement des professionnels
qui l’animent. Traduction : désolé de vous voir bosser avec trois bouts de ficelle.
Ici, personne ne lui parle de l’état d’urgence ou de la déchéance de nationalité. Seule la justice du quotidien intéresse. Timidement, le procureur général glisse qu’à Chartres, comme ailleurs, les magistrats sont confrontés à la radicalisation
. Il ne développe pas davantage.
Jean-Jacques Urvoas a fait savoir que le budget et les effectifs de la justice seraient sa priorité absolue
. Dès la passation de pouvoir avec Christiane Taubira, il l’avait promis : Je vais faire en sorte que la seule loi d’importance soit votée : la loi de finances.
Il faut dire qu’il n’a que quinze mois devant lui, avant l’élection présidentielle. Et il s’y est mis sans tarder : après deux semaines en poste, il annonce le redéploiement immédiat de 14 millions d’euros, pour les renforts temporaires de juges
et 300 contrats de vacataires supplémentaires.
Plus difficile à approcher que lorsqu’il était député, le garde des Sceaux se veut malgré tout abordable et limite la cohue autour de lui. Mais à Chartres, ville charnière entre région parisienne et province, les couloirs du tribunal sont étroits. Accompagné de deux membres de son cabinet et quelques officiels, le ministre en fait le tour. De passage dans un bureau des affaires familiales, on lui raconte que certains justiciables revêches filment les audiences avec leur téléphone et menacent parfois de les publier sur les réseaux sociaux. Jean-Jacques Urvoas s’étonne : Donc, le téléphone n’est pas un problème seulement dans les prisons ?
Depuis sa prise de fonctions le 27 janvier, le ministre de la Justice a passé beaucoup de temps à l’Assemblée nationale, un écosystème qui lui est familier (comme nous le racontions dans un précédent épisode, Les Jours suivant Jean-Jacques Urvoas depuis le début de l’état d’urgence). Il devait y défendre la révision constitutionnelle, suivre les questions au gouvernement, répondre à ses anciens collègues de la commission des Lois sur le projet de loi pénale.
Il a découvert à Chartres un autre monde.