Dans le huis clos des voitures Uber se jouent de drôles de tête-à-tête. À l’avant des berlines, des chauffeurs souvent novices dans ce métier de service. Seule une poignée d’entre eux est l’héritière de la « grande remise », la préhistoire des VTC (lire l’épisode 2, « Uber, la licorne d’abondance »). Les autres étaient livreurs, vigiles ou chômeurs avant de prendre le volant. À l’arrière, la clientèle est variée : cadres pressés, touristes, fêtards imbibés… Ces derniers utilisent surtout Uber pour ses tarifs et sa facilité. Rares sont ceux qui s’offraient auparavant les services d’un « chauffeur privé ». Pourtant, entre les passagers et les chauffeurs, il y a collusion de deux mondes qui ne se croisent finalement que dans ces voitures noires.
Les chauffeurs salariés des Loti, sans formation ni diplôme, apprennent sur le tas comment manier les passagers. Les chauffeurs détenteurs de la carte professionnelle VTC s’y préparent eux en acquérant des rudiments de « relation client » pendant la préparation de l’examen. Tenue, conversation, attitude… L’examen VTC comporte une série de questions sur la façon d’aborder le client. L’épreuve de décembre demandait par exemple ce qu’il convient de faire « en déposant une cliente, de nuit, à son domicile ». La bonne réponse : « Vous la déposez devant la porte de son immeuble et attendez qu’elle soit rentrée avant de repartir. » À éviter : s’en aller sur le champ ou « la raccompagner jusqu’à la porte de son appartement »… « Un client vous pose une question sur un thème religieux ? » Mieux vaut « répondre de manière neutre et consensuelle », comme pour tout ce qui touche à la politique et aux débats de société. Des conseils que les plateformes distillent aussi à leurs chauffeurs.

L’interaction n’est pas toujours heureuse. Les clients mécontents de leur chauffeur n’hésitent pas à s’en plaindre sur un compte Twitter dédié : @UberFR_support. Leurs tweets concentrent les contrariétés accumulées sur le siège passager. Il y a les déçus évasifs : « Chez Uber, le service client chute tellement que l’on se croirait dans des taxis. » Ceux qui crient à l’arnaque : « Voir le conducteur changer de trajet pour prendre un chemin plus long et dépasser le tarif max… » Ou les pointilleux : « Le conducteur Uber, pas mal de négligence sur la façon de s’habiller. » Plus préoccupant, des clientes avaient utilisé le réseau social en 2015 pour dénoncer le harcèlement de certains chauffeurs.