Il est 19 heures aux abords de la place Clichy, au nord de Paris. La capitale se laisse gagner par la fièvre électorale. À une heure des résultats, Les Jours commandent un premier Uber. Stéphane promet d’arriver dans cinq minutes au volant de sa grosse voiture noire. Sur le trottoir, des passants obnubilés marchent en zigzaguant, nez plongé dans les smartphones. Une quinqua : « Ça y est, ça commence, les WhatsApp dans tous les sens avec les résultats. » Un jeune couple « rafraîchit la RTBF », mais « rien de nouveau ». Stéphane apparaît au bout de la rue, feux allumés, blondinet souriant à la voix douce. Il triture son GPS. Nous voilà partis pour le Trocadéro.
Ancien livreur, puis « conducteur d’engins », Stéphane « ne trouvait pas de CDI » et s’est mis à rouler pour Uber en janvier. Il travaille pour un patron « Loti » qui ponctionne 2 000 euros par mois sur son chiffre d’affaires. « C’est quand même un peu de l’esclavage. » Il suggère ça d’une petite voix, en jetant un coup d’œil dans le rétro. Stéphane savait à quoi s’en tenir avant de commencer, mais « voulait voir si ce qu’on disait était vrai ». Il travaille surtout les week-ends, quand « ça bombarde beaucoup ». On partage la course UberPool avec une jeune femme à l’accent slave. Elle décline la bouteille d’eau offerte par Stéphane et prend des selfies sur son téléphone.
Que ce soit untel ou untel, qu’est-ce que ça change ? Est-ce qu’ils vont tenir parole ?
Le chauffeur n’est pas vraiment branché politique. Il s’est abstenu et s’en excuse presque. «