À quoi ressemble-t-elle, cette faim de journalisme qui vous tenaille, qui nous tenaille, aux Jours ? À ça : en 2023, ce sont 35 nouvelles séries qui sont venues s’ajouter aux 231 qui, toujours en cours ou désormais closes, ont fait les sept premières années des Jours. Oui, une faim de journalisme : de la première lancée au début de l’année, Assassinées, sur les féminicides de 2023, à la dernière, Pull à clics, sur le tricot qui en dit long sur notre époque, toutes nos séries, toutes nos obsessions, tentent de tracer des lignes directrices claires dans une actualité épuisante et de rassasier nos curiosités, nos urgences d’en savoir plus et, plus que tout, les vôtres. En attendant la traditionnelle rétro photos des Jours, nous avons demandé à plusieurs des journalistes qui ont signé certaines des séries de l’année de nous emmener de l’autre côté de leur clavier pour nous raconter une coulisse de leur travail, un instantané, une rencontre, une impression.
« “C’est rare de voir des hommes journalistes travailler sur ces sujets.” Cette phrase, je l’ai souvent entendue au cours de la rédaction de la série Assassinées. Parmi les témoins de mes articles toutefois, personne ne m’a jamais fait ressentir que c’était un problème. Mais c’est vrai que c’est rare. Ce n’est pas non plus inédit. D’autres journalistes hommes l’ont fait, et très bien fait, avant moi. Mais c’est vrai que c’est rare. Et c’est dommage. Parce que tant qu’un homme tuera une femme tous les trois jours en France, ce sujet doit devenir l’affaire de toutes et tous les journalistes, qu’importe nos genres ou identités. C’est vrai que c’est rare de voir des hommes journalistes travailler sur ces sujets. Espérons que ça le sera de moins en moins. » Pierre Bafoil
« Il est rare de trouver un miroir parfait de sa propre situation dans un reportage. Quand j’ai rencontré Michèle et Claude Didier aux Olympiades, un quartier populaire du XIIIe arrondissement de Paris, je me suis dit que j’avais de la chance. Michèle et Claude attendaient leur premier enfant à l’été 1976, dans une canicule qui semble aujourd’hui timide mais leur apparaissait alors dantesque. C’est une scène qu’on m’a souvent racontée, car cet été-là, moi aussi, j’allais naître à Paris. Delphine, la fille de Michèle et Claude, qui habite maintenant place des Fêtes dans le XIXe arrondissement, c’est moi. Les enfants de Delphine qui auront à vivre les canicules du futur, ce sont les miens.