Le body d’Adèle dépasse encore du jean qu’elle portait la veille au soir. Il est 23 heures à Paris, salle d’attente de l’hôpital Hôtel-Dieu. Une douleur bourdonne dans son crâne. Les flashes de la soirée s’entrechoquent. Le videur de la boîte qui refuse de lui rendre son sac. L’homme dans la berline devant l’Arc de Triomphe qui propose de la raccompagner. Un chauffeur Uber en fin de shift, dit-il, « une tête de daron », « au moins 50 ans » quand elle en a à peine 18. La voiture s’arrête « quelque part ». Elle pleure car elle n’a plus d’affaires. Lui passe sur la banquette arrière. Le son des portières qui se verrouillent. La main du type sur sa gorge. Ses doigts qui la pénètrent. « Plus rien. » Un blanc. Puis sa course effrénée rue Ordener, dans le XVIIIe arrondissement. Et son reflet dans un miroir, le lendemain matin. Ces « traînées bleues » le long de son cou. « J’ai réalisé que je devais aller chez les flics. »
Adèle est « ballotée » dans trois commissariats différents, répète son histoire. « Comment avez-vous fait pour sortir de la voiture ? Vous avez le numéro de la plaque ? Essayez de vous souvenir : a-t-il mis un doigt ? Deux doigts ? » Malgré « une gueule de bois de l’espace », l’étudiante tente de recoller les morceaux face aux policiers, « arrange » son récit pour « paraître plus cohérente ». À 21 heures enfin, Adèle retrouve son père sur le parking de la police judiciaire, dans le XIIe arrondissement.