C’est un grondement, un martèlement, une vibration sourde qui part d’un côté de la salle et tourne, tourne, tourne. De leur bouche, ils sifflent et acclament. De leurs bras, ils applaudissent et encouragent. De leurs pieds, ils tapent sur les gradins de bois. Le bruit, que la retransmission télé, toute occupée par la prestation du candidat, n’enregistre pas, démarre en murmure, ronfle et enfle en fracas, mieux que mille slogans, plus fort que les habituels « Dégagez ! » ou « Résistance ! » qu’on ne comptera finalement que sur les doigts d’une seule main. Mercredi soir, Jean-Luc Mélenchon était à Lille et avec lui, autour de lui, pour lui, 25 000 de ceux qui entendent bien le placer au deuxième tour de l’élection présidentielle. 25 000, selon le chauffeur de la salle qui peut en contenir 12 000, mais dehors ils sont peut-être autant qui n’ont pu entrer, tendus devant l’écran géant.
« Félicitations aux hackers du Gorafi qui ont réussi à s’emparer de la une du Figaro. » Forcément, sur scène, Figaro en main, il en soupire d’aise, Mélenchon. Ce mercredi matin, le journal de Serge Dassault a tremblé d’effroi. « Mélenchon : le délirant projet du Chavez français », est-il écrit à la une. Dans un édito horrifié, intitulé finement « Maximilien Illitch Mélenchon », Paul-Henri du Limbert piaule qu’« il faut craindre que la France ruinée de M. Mélenchon ne se résolve bien vite à devoir importer du fromage et du vin… » La une pour faire claquer les dents en or des lecteurs du Figaro, et trois pages encore dont la dernière est titrée ainsi : « L’apôtre des dictateurs révolutionnaires sud-américains. » Si Le Figaro pétoche ainsi, c’est qu’il monte, Jean-Luc Mélenchon. « La flambée Mélenchon », décrivait mercredi soir sur BFMTV l’éditorialiste Maurice Szafran comme s’il parlait d’un brusque prurit. Diable ! Il fallait aller voir ça en vrai avant l’arrivée des chars russes.
D’abord une précision. Tout au long de ses presque deux heures de discours (même pas la moitié d’un Castro, petit joueur), Mélenchon n’a pas mangé d’enfant et son élocution est restée tout à fait claire malgré le couteau entre les dents. Avec tel tapis rouge déroulé le matin-même par Le Figaro, mais aussi par Les Échos (« Mélenchon : le nouveau “risque” français ») et savamment brossé par François Hollande en personne qui le qualifie de « péril », Jean-Luc Mélenchon ronronne.