On n’est pas bien là, à attendre la fin du monde en écoutant Kassav ? Bon, d’accord, c’est pas la fin du monde, c’est le premier tour de la présidentielle. OK, c’est pas Kassav, mais Jacob Desvarieux, un des membres de feu le groupe de zouk officiel du Parti socialiste. Mais on est là, mercredi, l’un place de la République à Paris, à l’invite de Benoît Hamon pour son dernier meeting entrecoupé de concerts ; l’autre devant la télé pour suivre ce que les médias, dans un bel élan ovidé, qualifieront de « baroud d’honneur ». Pour l’heure, ce n’est pas encore le meeting, mais un « forum associatif » qui précède des causeries sur – en vrac – la santé, le féminisme, le travail et, of course, le revenu universel, les fidèles économistes Julia Cagé et Thomas Piketty en démonstrateurs de luxe. La foule est encore clairsemée, il y a des joueurs de tambour, des stands de merguez que, dans un très opportuniste effort marketing on a ceint d’un drap « J’aime la France, liberté, justice, dignité », histoire de séduire l’auditoire. Il y a beaucoup, beaucoup de gendarmes armés et emmaillotés dans des gilets pare-balles, attentat déjoué sur la campagne oblige. Une dame déclame la Bible. Ça sent la fumée, la graisse brûlée et les djembés. C’est la foire aux socialistes et, à la fin, on compte les votes.
Attention, ceci n’est pas un exercice : Marine Le Pen à Marseille, Emmanuel Macron à Nantes, Benoît Hamon à Paris. Y a du taf, ce soir sur BFMTV. Mais ça ne leur fait pas peur. Dans ses moments-là, avec ses génériques pétaradants, son bombardement d’images, son habillage clinquant aux reflets bleu métal, ses incessants duplex, badaboum Ruth Elkrief en direct de la place de la République, Thierry Arnaud à Marseille, la chaîne info tient du porte-avions en pleine manœuvre d’attaque. À la barre, deux grands timoniers (façon de parler, hein) vont se succéder, Truchot et Marschall, genre de Top Gun du journalisme en continu. À 18 heures, c’est Olivier Truchot qui ouvre le feu. Ce mercredi soir, dit-il, il y a « démonstration de force du candidat en difficulté ». Il « joue son va-tout », Hamon. Et c’est donc son « baroud d’honneur », une rengaine démarrée le matin même dans un titre du Figaro. À croire que Truchot vient de découvrir l’expression : il la sert en duplex à Alexis Bachelay, l’un des porte-parole de Hamon :